top of page

Uzès : l'amitié poétique et silencieuse de Pierre Tal-Coat et André du Bouchet


Dans un vaste cycle d'expositions autour de Pierre Tal-Coat, regard sur les livres réalisés avec son ami le poète André du Bouchet à Uzès, dans le Gard.

Il est des artistes majeurs, adorés par une petite communauté d’esthètes passionnés, mais ignorés par le grand public. Sans doute, parce qu'ils sont un peu insaisissables, parce qu’ils ne sont pas forcément faciles d’accès, parce qu’ils sont difficilement identifiables, réductibles à une école, un style, une époque. Pierre Tal-Coat fait partie de cette famille. Il est dans toutes les grandes collections, il a participé à la création de la fondation Maeght avec une vaste mosaïque et pourtant, il est aujourd'hui rarement montré.

Jean-Pascal Léger a rencontré l’artiste dans les années 70 pour une série d’entretiens diffusés sur France Culture. Il l’a régulièrement fréquenté jusqu’à sa disparition en 1985. Spécialiste de son œuvre, il vient de publier une monographie consacrée au peintre et pilote une série d’événements autour de son œuvre durant toute l’année. Un colloque a eu lieu au printemps dernier à Cerisy. Une rétrospective ouvrira ses portes à l’automne au musée Granet d’Aix-en-Provence, où il a vécu 16 ans à la fin de sa vie, dans une filiation spirituelle avec Cézanne qu’il admirait. En attendant, Pierre Tal-Coat est à l’affiche de la médiathèque d’Uzès, dans le Gard, pour son travail autour du livre en compagnie du poète André du Bouchet, dont il fut très proche.

Ensemble, le peintre et l’écrivain ont réalisé quatre livres. En 1956, chez l’éditeur alésien Pierre-André Benoit, ils travaillent à Cette surface. Les artistes se retrouvent en 1959 pour Sur les pas, qui paraît chez Maeght. Puis ce sera la naissance de Laisses chez Françoise Simecek en 1975, considéré par tous les bibliophiles comme un chef-d’œuvre et de Sous le linteau en forme de joug en 1978 avec la même éditrice.

« Ils se rejoignent dans une manière d’appréhender l’espace, avec beaucoup de vide », explique Diane d’Ormesson de la médiathèque. Selon elle, André du Bouchet « retire pour arriver à l’épure, à l’essence de la langue ». Cela rejoint l’art de Pierre Tal-Coat, dont de nombreuses estampes, prêtées notamment par les proches, viennent compléter la présentation.

Après avoir exploré différents styles, notamment l’expressionnisme dans les années 30 en écho avec la guerre d’Espagne, Pierre Tal-Coat évolue à partir des années 50 vers une peinture plus silencieuse, nourrie par les longues marches dans la nature. Pierre Tal-Coat n’est pas un peintre abstrait, « il part toujours de quelque chose de vue, rappelle Jean-Pascal Léger. Une faille entre des rochers, un pieu dans un étang, un vol d’oiseau ». Les titres témoignent poétiquement de ces instants, de ces regards : Passage du troupeau, Vol d’étourneaux, Labours, Bivouac, Terres abreuvées... Dans les années 50, il fréquente Alberto Giacometti, Juan Miro, Nicolas de Stael qui dénoncera le « gang de l’abstraction avant ». Il représente à la France à la Biennale de Venise en 1956, est à l’affiche de la Documenta de Kassel en 1959.

Comme André du Bouchet dont les vers s’éparpillent sur les pages, laissant le souffle passer entre mots, les œuvres de Pierre Tal-Coat respirent. Les œuvres sont méditatives, réduites à quelques traces à la recherche d’un essentiel, mais Pierre Tal-Coat se méfiait de la métaphysique. Au contraire même, sa peinture est très physique, ancrée dans la nature, le paysage, les saisons. Son art témoigne d’un rapport corporel avec la terre, d’un geste, d’une empreinte.

Quand Pierre Tal-Coat et André du Bouchet travaillent ensemble, la peinture ne vient pas illustrer le texte, ni le texte la peinture. C’est un long processus, fait de confiance, d’amitié. Tous les deux sont des marcheurs, attentifs au détail, au temps qui passe. Quand André du Bouchet s’endort sur un fauteuil au coin du feu, Pierre Tal-Coat sort ses crayons pour saisir le moment. La réalisation de Laisses est le fruit de deux années d’échange, de deux années d’expérience de vie. Preuve de cette connaissance et reconnaissance mutuelles, c’est André du Bouchet qui réalise la rétrospective consacrée à Pierre Tal-Coat au Grand Palais en 1976, montrant une émouvante communion de pensée.

Informations pratiques

Jusqu'au 14 octobre. Mardi, 13 h 30-18 h. Mercredi, 10 h-12 h et 14 h-18 h. Jeudi, vendredi, 14 h-18 h. Samedi, 10 h-12 h et 14 h-17 h. Médiathèque, 41 Le Portalet, Uzès. Entrée libre. 04 66 03 02 03.

Pour aller plus loin

André du Bouchet, la terre pour poème, article de Didier Cahen, pour le journal Le Monde, 2011.

André du Boucheur, lueurs du loup, article de Philippe Lançon, pour le journal Libération, 2010.

André Bouchet sur le site littéraire Esprits nomades.

Pierre Tal-Coat, génie oublié de la peinture moderne, article d'Olivier Céna, pour le magazine Télérama, 2017.

Pierre Tal-Caot, l'atelier ouvert, film de Michel Dieuzaide,

 FOLLOW THE ARTIFACT: 
  • Facebook B&W
  • Twitter B&W
  • Instagram B&W
 RECENT POSTS: 
bottom of page