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Aix-en-Provence : plongée dans l'art de David Hockney au Musée Granet

Le Musée Granet à Aix-en-Provence présente une monumentale exposition consacrée au peintre britannique David Hockney, réalisée essentiellement à partir de la collection de la Tate Britain.

« Le style n'est qu'un outil ; rien n'interdit de jouer les pies voleuses et de picorer où l'on veut », explique David Hockney, à l'honneur ce printemps avec une exposition majeure au musée Granet d'Aix-en-Provence. Né en 1937, le Britannique s'est perpétuellement remis en question depuis qu'il a commencé la peinture dans les années 1950. Les oeuvres prêtées par la Tate Modern de Londres parcourent plus de 60 années de création, traversées par quelques obsessions : le questionnement des grands genres classiques, la représentation de la perspective, l'insatiable curiosité pour les nouvelles techniques. 


Dès la première salle, avec les quatre toiles de ses Demonstrations of versatility" datées de 1962, le jeune artiste se fixe un objectif qui peut sembler démesuré. Comme Pablo Picasso, il veut montrer qu'il est capable de passer d'un style à l'autre. Et comme le maître espagnol, il pourrait dire : « Je ne cherche pas, je trouve. » A contre-courant de l'abstraction triomphante, il dynamite les frontières, ignore les formats, dialogue avec les expressionnistes, les pop, avec l'ensemble de son époque tout en imposant sa personnalité. D'emblée, l'affranchi place aussi le sexe et l'amour au coeur de ses interrogations. 


Dans les années 1960, David Hockney voyage. En Californie, il découvre les mirages de la société de consommation, les griseries de l'abondance, le bleu des piscines, les corps athlétiques, le soleil étincelant. Il se passionne pour la représentation de l'eau, les transparences ou les jaillissements comme dans l'impressionnant Man in the shower in Berveley Hills, reprenant le sujet du bain, récurrent dans l'histoire de l'art, mais en y injectant une dose de modernité et de provocation. 

Cette revisitation des classiques, David Hockney la poursuit avec ses portraits naturalistes. Soignant de plus en plus la lumière, il peint grandeur nature des amis, invitant à pénétrer dans leur intimité, intégrant les corps dans l'espace avec un jeu entre la monumentalité des toiles et le quotidien nonchalant représenté. Discrètement, subtilement, il glisse dans ses scènes d'intérieur des allusions aux annonciations des peintres de la Renaissance. 


Sa technique impressionnante, David Hockney la met aussi au service d'une vision du monde, préférant la satire et l'ironie aux affirmations. C'est particulièrement le cas dans l'irrévérencieuse série de gravures réalisées au début des années 1960, La Carrière d'un libertin. Dans une nouvelle façon  d'appréhender le Grand Tour, il fait se croiser publicités, personnes issues minorités, architectures urbaines. Il franchit un nouveau pas avec une série d'oeuvres inspirées par le poète gréco-égyptien Constantin Cavafy, représentant de façon franche et romantique des scènes d'amour homosexuel. Avec une grande économie de moyen et une assurance du trait, il poursuit une ligne affirmée dès le départ : « Je peins ce que j'aime, quand je l'aime et à l'endroit où je l'aime avec, parfois, des voyages nostalgiques. » 





Après le corps, la deuxième partie de l'exposition s'intéresse plus particulièrement à la représentation de l'espace. David Hockney a passé des années à étudier et à remettre en question la classique perspective monofocale, dictatoriale dans la peinture occidentale mais qui est, en réalité, celle de l'appareil photo immobile, non celle des yeux humains en mouvement. 

Représenter en deux dimensions ce qui est en trois dimensions suppose un grand basculement. Avec ses vues de l'hôtel Atlacan, peintes au milieu des années 1980, il montre toute la complexité de la vision humaine et des perceptions, en mélangeant les sensations, l'expérience, l'objectivité, la circulation du regard, le cheminement du corps, les transformations de la lumière, l'observation active. Le visiteur est littéralement immergé dans l'univers luxuriant de la cour de l'hôtel, baignée de soleil. Le peintre multiplie les points de vue, faisant fusionner l'intérieur et l'extérieur. D'une façon vertigineuse, David Hockney parvient à capturer à la fois le temps et l'espace avec des couleurs vivifiantes.



Dès les années 1980, l'artiste s'intéresse à toutes les nouvelles technologies, expérimentant les premiers ordinateurs, les photocopieurs ou les fax. Il adapte ses recherches aux portraits, dialoguant avec l'art des cubistes, il pousse ses travaux sur l'eau aux lisières de l'abstraction, toujours avec le désir insatiable d'interroger de façon active celui qui regarde et l'art de peindre. 




Avec In the studio, il présente une vaste autoportrait assemblant 3 000 photographies numériques pour une oeuvre panoramique mesurant plus de 7 mètres de longueur. Les lignes de fuites s'aditionnent dans un espace torve. David Hockney est planté au milieu, droit comme un I, dans un univers qui s'échappe, au milieu de toiles proposant toutes de nouveaux itinéraires... 


Adepte des nouveaux outils, l'octogénaire, toujours curieux, a été l'un des premiers à adopter les tablettes numériques. Dans une forme d'impressionnisme 2.0, il se balade pour peindre sur le motif. Depuis plusieurs années, David Hockney se consacre au paysage. Avec The Arrival of spring (L'Arrivée du printemps), il immortalise l'éclosion de la nature, livrant des vidéos d'images en construction, où les touches se superposent, se complètent pour former des forêts colorées en mouvement. Les vidéos sont totalement hypnotiques.


La dernière salle de l'exposition rassemble quelques clins d'oeil, montrant comment David Hockney s'est nourri de grands maîtres du Sud, de Cézanne à Van Gogh. Mais entre la modernité et la tradition, l'artiste choisit une place singulière, ignorant les frontières, les époques : « L'histoire des images a commencé dans une grotte et se termine sur un Ipad, en tout cas pour l'instant. Qui sait ce que l'avenir nous réserve ? »


Jusqu'au 28 mai. Mardi au dimanche, 12 h-18 h, puis à partir du 1er avril, mardi au dimanche, 10 h-18 h. Musée Granet, place Saint-Jean-de-Malte, Aix-en-Provence. 11 €, réduit 9 €, gratuit - 18 ans. 04 42 52 88 32.


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