Nîmes : Super/Surfaces, le geste et la matière au CACN
Une proposition de Géraldine Dufournet au Centre d'art contemporain de Nîmes avec des artistes travaillant la surface, la matière, le geste.
Lors d’un colloque sur le mouvement Supports/Surfaces, l’artiste Stéphane Bordarier avait fait un lapsus, évoquant le mouvement Super/Surfaces. Les participants avaient souri... Les mots ont retenu l’attention de Géraldine Dufournet, commissaire d’exposition qui sous ce titre rassemble au Centre d'art contemporain de Nîmes, des jeunes artistes qui ne se situent pas forcément dans le prolongement de cette génération tout en travaillant la surface, la matière et le geste.
Le travail de François-Xavier Laloi est lié à l’empreinte, au corps et à la violence. Il s’intéresse notamment au tatouage. Avec Trois coups ratés, il présente un panneau de contreplaqué, qu’il vient sculpter à coups de lance-pierres, attaquant la surface dorée à la façon des icônes. Une corde vient s’insérer dans les trous, permettant à la fois de soutenir l’œuvre, mais l’emprisonnant aussi dans son étrange réseau.
Pour chaque artiste, le regard s’interroge devant la technique, la pratique. Nelson Aires s’inspire du shibori japonais, une méthode de teinture japonaise. Dans Resel, il plie les étoffes et les imbibe de sang, de brou de noix, d’encres pour une variation autour de la carte, des réseaux incompréhensibles où les tissus se superposent. À travers l’installation, l’artiste interroge aussi « la notion d’identité et de filiation, de droit du sol et de droit du sang, avec un motif qui évolue, se répète, se métamorphose, comme les générations qui évoluent », explique l’artiste. La technique de Laurence De Leersnyder intrigue également. Elle fige dans le béton une masse de cire informe, qui en fondant vient creuser d’étranges cratères, des concrétions géologiques, présentés dans des bas-reliefs qui font également penser à des cartes ou à des paysages aériens.
Le geste est fondamental aussi pour John Cornu. Dans sa série Purple Rain, il trempe des papiers buvards dans du vin qui, par capillarité, crée des paysages mélancoliques aux nuances allant du tendre incarnat au bordeaux tanique, des horizons abstraits évoquant les céramiques chinoises.
Dans ce jeu autour du geste, les variations de la matière accompagnent la démarche des artistes. Capucine Vandebrouck présente un prélèvement de poussière réalisé sur le sol de son atelier grâce à du papier adhésif, créant un œuvre évoquant l’arte povera et les tissus imbibés de chlorophylle de Giuseppe Penone. Estèla Aillaud mélange le kaolin, la porcelaine, l’enduit, l’encre, des matières liquides blanches qu’elle répand d’un seul geste sur une surface où la pureté de la couleur et l’impureté absolument humaine se conjuguent. Face à ces œuvres délicates et vibrantes, elle présente une photo d’une planche également peinte en blanc pour une conversation silencieuse entre la surface d’une image et l’image d’une surface.
Dans la blancheur du plâtre, Jean-Adrien Arzilier fossilise des craies aux couleurs estompées, pour une archéologie du futur réalisée lors d’une résidence dans un lycée à Lunel. Emmanuel Le Cerf utilise le tulle, à travers lequel il fait passer un mélange de latex, d’acrylique et de colle pour créer une surface évoquant la peau, quelque chose d’organique et de charnel.
Face à ces œuvres méditatives, Guillaume Linard-Osorio, également architecte, présente d’étranges jeux optiques, nés par l’écoulement d’encre dans les alvéoles de plaque de polycarbonate, un matériau destiné à l’isolation. Au départ, les œuvres étaient encadrées à la façon de tableau. Pour la première fois, il les assemble pour une installation construisant un paysage où les superpositions creusent les perspectives. Dans une vidéo, il joue avec les œuvres et son corps pour d’étranges jeux optiques, donnant vie à la surface.
Jusqu’au 30 mars 2019. Mardi au samedi, 11 h-18 h. CACN, 25 rue Saint-Rémy, Nîmes. Entrée libre. 09 86 41 60 33.