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Sur le tournage d'Othello avec Orson Welles


« Un costaud qui savait exactement ce qu’il voulait ». C’est l’image qui revient à Robert Alliel quand il évoque Orson Welles, monstre sacré du cinéma avec lequel il a débuté sans savoir que le réalisateur avait tourné Citizen Kane. Installé à Vézénobres, près d'Alès dans le Gard, il a ensuite travaillé avec Jean Cocteau, Alain Resnais, tourné des dizaines de documentaires.

C’est un peu par hasard que Robert Alliel, gamin d’Alger aujourd’hui âgé de 90 ans, a découvert le monde du cinéma pendant la guerre. Ses frères étaient dans l’armée, il vivait seul avec sa mère et il fallait trouver un boulot. On lui conseille d’aller se présenter à la Caserne Pelissier, au service cinéma de l’armée.

Pendant la guerre à Alger

« J’avais 15 ans, je vérifiais les films, avec une colleuse, je réparais des pellicules 16 mm ». Bientôt les Alliés débarquent en Italie et Robert voient les collègues partir filmer les opérations militaires. « Ils m'ont intéressé. L'un m'a pris sous sa coupe, un jour il m'a dit : "Viens, tu vas porter le pied de ma caméra", c'était lourd, je l'ai fait tomber et je me suis écorché le pied. »

Après la guerre, Robert Alliel continue dans le monde de l'image. « Un de ces reporters m’a pris en main, j’avais 16 ans et je l’ai suivi au Maroc. » Ainsi commence une formation sur le tas lors de tournages de documentaires sur les Berbères ou les forêts marocaines. « J’ai appris à charger la caméra, à faire des bouts d’essai... », se souvient Robert Alliel.

« Un jour en 1951, un gars du studio me dit qu’Orson Welles va venir tourner un film et qu’il n’a pas d’assistant ». Le voila engagé comme deuxième assistant caméra sur le tournage d’Othello à Mogador, aujourd’hui Essaouira. Quand on sait la précision des mises en scène et des cadrages de Welles, le poste de Robert Alliel est fondamental. « Il avait une caméra française, on pouvait faire des poinçons, tourner quelques images et les développer. » Les premiers jours, Orson Welles lui demande de faire des essais. « Deux ou trois cents. J’ai pris toutes les positions de ses acteurs dans le cadre de cette esplanade. Quand je les montre à Welles, il me dit : “il en manque deux, où sont-ils ?”. Il avait tous les cadres de son film dans la tête. »

Une autre époque

Sur le tournage, Welles était dur, mais « formidable, aimable, il chouchoutait ses acteurs. Il en imposait, tout le monde était en admiration devant lui. » Robert Alliel se souvient de quelques anecdotes. « Il y avait beaucoup de photographes, ça l’ennuyait, un jour il en a sorti un. Le lendemain, quand il l’a vu, il est allé s’excuser. Un autre jour, un technicien avait mal amarré la caméra prêt du rempart, je l’ai retenu au dernier moment. Il me dit “Bravo, c’était la seule caméra !” »

Une seule caméra ! Autre époque... L’argent manque même pour payer les figurants. « On cadrait, les figurants arrivaient, puis faisaient le tour et passaient une deuxième fois dans le champ. » Faute d'argent, le tournage est interrompu un temps, puis reprend, et Robert Alliel devient premier assistant. « Je faisais le point, le cadrage... », poursuit-il. Tout cela dans une ambiance de bricolage bien différente des tournages contemporains et qu’on ne voit absolument pas aujourd’hui quand on contemple ce chef-d’œuvre. « C’est le génie ! »

Propos recueillis à l'occasion de la présentation du film Othello au ciné-club de Bouillargues, dans le Gard.

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