Nîmes : à Carré d'art, Stéphanie Solinas sur la piste des Dominique Lambert
Peu à peu, c'est un véritable triangle de l'art contemporain qui se dessine dans le sud de la France entre Nîmes, Arles et Avignon. Après un pass commun entre les musées d'art contemporain des trois villes, les Rencontres d'Arles, festival de photo de plus en plus à l'étroit dans ses murs, traversent également le Rhône.
Ainsi, tout l'été, Carré d'art à Nîmes accueille l'exposition de Stéphanie Solinas. L'artiste y propose un projet étonnant autour des Dominique Lambert. Le nom n'a pas été choisi au hasard : « Dominique est le prénom mixte le plus donné en France, il est aussi le vingt-septième prénom le plus porté ; associé à Lambert, vingt-septième nom de famille le plus porté ». L'artiste a retrouvé la trace de 191 personnes portant ce patronyme dans les pages blanches.
Échec et tentative de portrait
Elle leur a adressé un questionnaire en forme de portrait chinois. À partir des soixante-cinq réponses reçues, elle brosse un premier portrait synthétique. Les Dominique Lambert aiment le bleu, la lecture, le printemps, Ne me quitte pas de Jacques Brel, sont timides, gourmands…
Où est le vrai ? Où est le faux ? Ce sont ces quelques traits qui servent au comité consultatif pour la description des Dominique Lambert (composé d'un psychologue, d'un statisticien, d'un inspecteur de police et d'un juriste) pour l'élaboration de quelques textes, forcément vrais, forcément faux.
À partir de ces mots, Stéphanie Solinas a demandé au dessinateur Benoît Bennemaison-Fitte de griffonner quelques dessins. Au feutre orange, il livre une série de visages, façon croquis d'audience, qui sont transformés ensuite par le logiciel qu'utilise la police judiciaire pour établir les portraits robots.
Plus on cherche à s'approcher de la réalité, plus elle s'échappe. Comment lui redonner de la chair ? Dans la rue, puis grâce à une agence de casting, Stéphanie Solinas est partie à la recherche de personnes ressemblant aux portraits robots. Face aux photos d'identité envoyées par les vrais Dominique Lambert et retournées dans une vitrine, elle présente le résultat de cette quête. Aucun Dominique Lambert sur les murs et pourtant la ressemblance avec les images de la police est frappante...
L'expo s'achève par un enregistrement sonore réalisé le soir du vernissage où ce travail a été présenté la première fois. L'artiste avait invité les Dominique Lambert ayant répondu au questionnaire. Trois sont venus et acceptent de s'entretenir avec un psy pour évoquer leurs émotions devant cette dissolution de l'identité cachée derrière leur patronyme. Par ces étapes, par ce long cheminement, Stéphanie Solinas interroge les possibilités et les échecs de la représentation et offre un jeu de piste réjouissant, plein de détours et de chausse-trappes autour de la singularité irréductible.
Jusqu'au 16 octobre. Du mardi au dimanche, de 10 heures à 18 heures. Carré d'art, place de la Maison-Carrée, Nîmes. Entrée libre. 04 66 76 35 70.