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Arles : au musée Réattu, Katerina Jebb passe la photo au scanner


C’est un peu par hasard que la photographe Katerina Jebb a abandonné l’appareil photo au début des années 90 quand elle s’est cassé le bras. L’événement n’est pas anecdotique car l’artiste a développé depuis une pratique artistique inédite et passionnante grâce au scanner numérique. Déjà exposée au musée Réattu d’Arles dans le cadre de la carte blanche offerte à Christian Lacroix, elle est de retour avec une belle monographie.

« Cet outil prive l’image d’une conquête de l’histoire de l’art, la perspective. Et en même temps, on y retrouve une profondeur que cet outil n’est pas censé donner de prime abord », explique Pascale Picard, la conservatrice du musée. Tout le charme de l’exposition réside dans cet entre-deux, où l’hyperréalisme côtoie une proximité sensible à la chair et à la matière.

Katerina Jebb a travaillé pour la mode, notamment pour la marque Comme des garçons. Elle mélange les références à Klimt ou au cubisme, recompose les robes devenues méconnaissables, joue avec les nœuds, les plis, les textures des vêtements loin des publicités traditionnelles.

Quand elle travaille la figure humaine, elle s’éloigne du portrait fidèle, capturant une trace, un reflet qui passe dans la machine. Kate Moss, Isabelle Huppert ou Setsuko, la femme de Balthus, des jumelles sont capturées dans un étrange clair-obscur, dans un temps parallèle où entrent en collision la brutale frontalité du regard et l’abstraction du vide qui entoure le sujet. Pour le musée, elle produit une vidéo inédite, tournée avec Tilda Swinton au Palais Galliera à Paris, au milieu des réserves du musée peuplées de fantômes, de vêtures chargées d’une mémoire et d’une présence qui sont au cœur du travail de Katerina Jebb.

Une robe de Dior, une cape de Schiaparelli, une veste Napoléon, un télégramme de Duchamp, un étrange caneton bicéphale, une poupée gonflable en silicone, des souvenirs de Marie-Antoinette... L’artiste démystifie l’univers du luxe, se promène dans l’histoire de l’art quand elle photographie le taille-crayon de Picabia comme les Dadaïstes affichaient des machines.

Elle se réapproprie les objets chargés de détails, de survivances qu’elle livre de façon faussement clinique. Il y a un côté art conceptuel dans cette présentation, chaque photo enchâssée dans un sobre cadre métallique. Et pourtant, les images au flou velouté sont incarnées malgré la distance, pleines de vie, de sensibilité, de traces du temps qui passe. C’est particulièrement le cas dans l’inventaire de l’atelier de Balthus qui s’achève par le scan de la tombe du peintre où le hasard a déposé en cadeau une pomme gâtée dans les herbes folles, comme une vanité dans un tableau classique.

Jusqu'au 31 décembre. Mardi au dimanche, 10 h-18 h. Puis 10h-17 h à partir de novembre. Musée Réattu, 10 rue du Grand Prieuré, Arles. 8 €, réduit 6 €. 04 90 49 37 58.

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