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Aubais : personne ou personnage, les jeux de piste d'Adrien Lécuru


Le titre choisi par Gilles Jacinto pour l’exposition dont il assure le commissariat aux Quatre saisons de l’art à Aubais dans le Gard est déjà un labyrinthe : “Je/u (x) - Personne, personnage”. Organisée autour du travail du jeune peintre Adrien Lécuru, la présentation est une variation autour des identités multiples, mais aussi du travail de l’artiste pour saisir la dilution du moi dans un monde où l’exhibition permanente, la société du spectacle, les injonctions du corps social, la comédie du pouvoir politique construisent des avatars, somment les individus d’entrer dans des cases.

L'exposition débute sous les voûtes du château. Adrien Lécuru est un peintre précis. Dans son art, chaque image est construite pour faire faire entrer le trouble, pensée pour faire trembler les machines à fabriquer du sens. Il s’intéresse par exemple aux “mèmes”, ces visages transformés en archétypes sur internet, images volées et massivement diffusées qui deviennent des abstractions. Il dispose ces petites miniatures peintes en gris au milieu de la foule de céramiques de Virginie Costet, petites créatures fantastiques aux formes mystérieuses et organiques.

Singularité et archétype

Dans sa série Attente, sur un fond indéterminé, il peint une personne dans ses pensées, enfermée en elle-même, à la fois présente et absente. Une femme à l’allure aristocratique sur un fauteuil élimé, un petit garçon le regard perdu sur une chaise qui disparaît... A chaque fois, un petit décalage empêche une lecture univoque, invite à voyager dans un monde complexe. Tout comme dans La Passante, vidéo de Carole Nosella, promenade qui questionne le regard en superposant le visage de l’artiste en balade et l’univers qu’elle traverse.

Dans une autre série, Adrien Lécuru inverse le point de vue. Le paysage occupe toute la toile, un petit personnage, souvent masqué, comme un détail égaré dans un ensemble qui l'englobe et le dépasse, vient troubler le sens, créant souvent une incertitude, une question, une inquiétude. Face à l’une de ces toiles mystérieuses, Virginie Costet s’empare d’une énigme. Adrien Lecuru peint une femme errant dans une forêt, en regard Virginie Costet propose une variation autour de la recherche d'identités, une multitude de visages, sans chercher à donner une solution.

L’exposition du château s’achève par un portrait sans personnage, un chevalet couvert d'un masque de soudure auquel est accroché un sac plastique et achève aussi le questionnement sur l'identité.

La présentation se poursuit au lavoir du village où Adrien Lécuru présente un vaste cycle en cinq toiles, intitulé Hubris du nom de cette notion grecque qui évoque à la fois la démesure et l’orgueil qui font sortir l'homme de l'harmonie de la cité. Chaque toile est conçue autour d’un même principe esthétique, une ligne d’horizon comme un début de paysage, un objet et des personnages. Ensemble elles forment une vaste fresque, pleine de références à l’histoire de l’art, des primitifs italiens aux paysages métaphysiques et dépeuplés de Chirico en passant par les créatures diaphanes de Cranach. Adrien Lécuru y livre une « sensation du monde actuel », peuplée d’ingénieurs inquiétants, références discrètes à Fukushima et de personnages comme statufiés dans un monde où les évolutions technologiques galopent sans avoir le temps d’être pensées. Adrien Lécuru y oppose la lenteur, le temps de l'artiste et du penseur, qui n'affirme pas mais questionne, cherche, tâtonne, doute.

La présentation s’achève à l’espace HD Nick, où des images tirées du film Les Yeux sans visage de Franju, peintes par Isabel Duparray accueillent le visiteur. Ensuite, Gilles Jacinto a l’idée merveilleuse d’associer la série des Sénateurs d’Adrien Lécuru aux œuvres de Florent Audoye. Face à cette série d’images de parlementaires, cadrés en gros plans lors d’une séance de questions au gouvernement, prennent place des formulaires administratifs que l’artiste vient griffonner de petits dessins ou de mots, des phrases écrites par des malades en soins palliatifs qui disent ce qu’ils auraient aimé faire de leurs vies. Le contraste est immense entre cette comédie du pouvoir qui fabrique de la paperasse, des personnages, des cases où classer les personnes et les aspirations profondes de l’homme...

Jusqu’au 23 octobre. Samedi et dimanche, 15 h à 18 h 30. Château, lavoir, espace HD Nick, Aubais. Entrée libre. 04 66 81 43 23.

Juste pour le plaisir, revoici quelques photos de Transition, la formidable installation réalisée par Gilles Jacinto en septembre 2012 au lavoir d'Aubais. Il y plongeait un appartement dans l'eau du lavoir, non par goût d'une esthétique du désastre, mais pour scruter le temps qui passe, le délabrement de la matière, le lent effacement d'un univers personnel.

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