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Frédéric Bazille, genèse et jeunesse méridionales de l'Impressionnisme


Quand en 1874, ouvre la première exposition impressionniste dans l'atelier du photographe Nadar à Paris, aucune toile de Frédéric Bazille n'y figure. Et pourtant, l'oeuvre du peintre montpelliérain est fondamentale dans cette éclosion. Mais le peintre est mort à la guerre de 1870, avant d'avoir connu la gloire. L'exposition que lui consacre le musée Fabre à Montpellier rassemble quasiment toute l'oeuvre peinte de l'artiste, une cinquantaine de tableaux, la replaçant formidablement dans son contexte d'effervescence artistique. Elle sera présentée à partir du mois de novembre au musée d'Orsay à Paris, avant de s'envoler au printemps pour Washington.

Issu de la bourgeoisie montpelliéraine, Frédéric Bazille monte au départ à Paris pour étudier la médecine. Mais il s'intéresse déjà à la peinture, connaît les peintres de son temps, notamment les toiles de Delacroix ou de Courbet qu'il a vues chez le collectionneur et mécène Alfred Bruyas. Rapidement, il entre dans l'atelier de Charles Gleyres où il rencontre Monet, Renoir, Sisley et abandonne ses études de médecine. Dès 1864, son Etude de nu dénuée de toute référence à la mythologie et à la pompeuse peinture officielle de l'époque montre déjà un goût et une ouverture pour la modernité.

Avec Monet, il part en forêt de Fontainebleau avec ses toiles et ses couleurs, voyage en Normandie. Tous deux s'émancipent rapidement. La palette s'éclaire, les cadrages se décentrent, les touches s'allègent, la peinture se rafraîchit. A Chailly, où Monet prépare le Déjeuner sur l'herbe, Frédéric Bazille immortalise son ami au lit, la jambe blessée.

Dans son grand Autoportrait à la palette, Bazille se représente l'air affirmatif, regard vif et pinceau à la main. Il fréquente l'avant-garde de son temps, partage un atelier avec Monet rue Furstenberg, héberge Renoir dans son atelier de la rue Visconti, accueille Sisley avec lequel il confronte son art dans la Nature morte au héron.

Mais le charme de cette exposition réside dans l'exploration du versant méridional de cette aventure fondamentale dans l'histoire de l'art. C'est le coeur battant de l'exposition et ce sera assurément une découverte pour ceux qui ignorent l'art de Bazille.

L'impressionnisme est un mouvement largement francilien et normand. Il a aussi son histoire languedocienne grâce à Bazille.

Chaque été, le peintre séjourne dans le midi. En 1867, il peint les remparts d'Aigues-Mortes dans la lumière frémissante des lagunes. Dans la propriété familiale de Méric, au nord de Montpellier, il se lance dans quelques vastes scènes de vie, notamment la fameuse Réunion de famille, premier portrait de groupe en plein air de la peinture française. Dans les mêmes années, Monet peint les sublimes Femmes au jardin où les robes mousseuses étincellent dans la verdure. Bazille achète à son ami désargenté, mais le Montpelliérain peine à toucher cette élégante légèreté, ses figures sont un peu raides. Avec sa sublime Vue de village, Bazille fait poser la fille des métayers italiens de la famille, le village de Castelnau et les rives du Lez dans la lumière du fond et réussit avec bonheur cette fusion entre l'homme et la nature, la figure et le paysage auxquelles il aspire. La toile est l'une des icônes de la collection du musée Fabre et c'est logique...

Dans ses nus masculins, Bazille montre également toute sa modernité. Refusé au salon, Le pêcheur à l'épervier rompt définitivement avec les canons et les fantasmes de la bourgeoisie. Dans Scène d'été, achevée durant son dernier hiver, il représente une scène de baignade masculine loin des nus héroïques de l'académisme ambiant, porté notamment par son compatriote Alexandre Cabanel.

Les dernières toiles montrent toute l'influence qu'ont eu les recherches de Manet, glorieux prédécesseur des impressionnistes, sur toute la décennie 1860. Un portrait de Renoir, la Petite italienne chanteuse des rues dans l'agitation du carrefour parisien, La Toilette, débordant de sensualité voluptueuse ou La Négresse aux pivoines montrent à quel point Manet a été le maître à peindre et à penser de toute une génération. Mais aussi comment chacun s'est emparé de façon personnelle des leçons du père de l'Olympia.

Cette oeuvre encore en devenir s'arrête brutalement en 1870. En août, contre toute attente, Bazille s'engage dans un régiment de zouaves et part en guerre contre la Prusse. Il meurt en novembre, près d'Orléans, quelques jours après ses 29 ans. Sur son chevalet, Ruth et Booz, dernier tableau inachevé et mélancolique, mystérieuse variation autour d'une histoire biblique très éloignée par son sujet et son style de ses premières préoccupations. Quels horizons s'ouvraient à lui ?

Jusqu'au 16 octobre. Mardi au dimanche, de 10 h à 18 h. Musée Fabre, Esplanade, 39 boulevard Bonne Nouvelle, Montpellier. 10 €, 8 €. 04 67 14 83 00.

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