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A Aigues-Mortes, le sel, la nature et la mémoire


Depuis les remparts d'Aigues-Mortes, le regard se perd dans les camaïeux roses des marais salants alentour. Depuis longtemps, l'histoire de la ville et de ses habitants est liée de façon intime à la récolte du sel.

Pour "Univers'sel", l'exposition estivale des remparts d'Aigues-Mortes, les précieux cristaux prennent une allure artistique. Le monument invite Jean-Pierre Formica, dont l'atelier est installé en plein cœur de la cité médiévale, et Motoï Yamamoto, plasticien venu du Japon où le sel a une valeur hautement symbolique. Tous deux ont fait de cette matière un moyen d'expression et investissent quatre tours des remparts avec leurs installations.

Jean-Pierre Formica a découvert le sel et ses pouvoirs esthétiques en s'installant à Aigues-Mortes. Il est peintre, il reste peintre profondément et son travail autour du sel prend place dans l'ensemble de sa réflexion plastique. Formica s'intéresse à l'apparition, à la disparition, à la trace. Il travaille par sédimentation, accumulation, déchirure, recouvrement. Il aime les variations dans les répétitions, toujours attentif à la grammaire des formes classiques.

Pour ses statues de sel, Jean-Pierre Formica dispose d'un espace dans les marais d'Aigues-Mortes. « Comme un jardin où je vais travailler l'été », dit-il. Il y fait séjourner des formes, des sculptures, utilisant la magie de la nature, « le travail de l'eau, du soleil et du vent ». Peu à peu, le sel vient s'agglomérer à la surface des statues, comme des petits diamants invincibles et étincelants. « La nature fait les choses et je maîtrise la nature. »

Les mannequins alignés évoquent les armées chinoises de terre cuite, avec leurs visages chaque fois différents. Plus loin, des statues suspendues, les bras écartés, sont comme des crucifixions, un rouleau de corde autour des bras à la manière des manants. Elles flottent au-dessus d'une projection vidéo de flux et de reflux, fraîches comme si elles sortaient de ces eaux à la fois saumâtres et miraculeuses.

L'exposition se prolonge avec le travail du Japonais Motoï Yamamoto. L'artiste a déjà présenté ses installations un peu partout dans le monde, chez lui au Japon bien sûr, mais aussi aux Etats-Unis, en Allemagne... Ses dessins de sel ont une beauté sobre et saisissante.

Patiemment, pendant des journées entières, il trace de vastes paysages immaculés, construisant avec du sel des espaces contemplatifs et spirituels. Motoï Yamamoto se nourrit de ses souvenirs d'enfance, de l'esprit des lieux où il expose et du souvenir de sa sœur disparue.

Les significations symboliques du sel sont nombreuses. Dans la Bible, il a des vertus purificatrices. En Egypte, il a servi de monnaie d'échange. A l'époque de la Rome antique, il était utilisé pour payer les soldats, d'où le mot salaire. Mais dans toutes les civilisations, son importance à la fois mythologique et économique a été fondamentale. Dans la tradition japonaise, il est lié aux rituels funéraires. Après la fermeture du cercueil, les personnes ayant assister à la mise en bière s'aspergent de sel pour conjurer le mauvais.

C'est d'ailleurs à l'occasion du deuil de sa soeur que Motoï Yamamoto a décidé de faire du sel son unique matériau. Pour l'exposition aux remparts d'Aigues-Mortes, il présente deux œuvres. D'abord, Labyrinthe, un jardin zen qui semble s'écouler d'une montagne pour relier la nature, l'humanité et le cosmos. Ensuite, Flotting Garden (Jardin flottant), vaste tourbillon d'écume. Dans les deux cas, le visiteur se retrouve face à une expérience spirituelle, devant des installations à la fois éphémères et porteuses d'une histoire millénaire, fragiles et inoubliables.

Jusqu'au 30 novembre. Tous les jours, 10 h-19 h. Tour et remparts d'Aigues-Mortes, Logis du gouverneur, Aigues-Mortes. 7,50 €, 6 €, gratuit - 25 ans. 04 66 53 61 55.

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