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Thiers : au Creux de l'enfer, l'art post mortem de Damien Deroubaix


Avec Post Mortem, Damien Deroubaix présente au Creux de l'enfer à Thiers une vision très sombre du monde contemporain

C'est toujours un plaisir de revenir au Creux de l'enfer... D'abord pour ce lieu incroyable, un centre d'art contemporain aménagé dans l'ancienne vallée des usines à Thiers en Auvergne où résonnent les flots tonitruants de la Durolle. Ensuite, parce la programmation, souvent en relation avec l'endroit y est excellente, dynamique, inventive et exigeante.

En ce moment, le Creux de l'enfer présente Пост Мортем (Post Mortem), une exposition du peintre Damien Deroubaix, qui participe également à l'exposition collective Athanor, petite suite alchimique au Crac de Sète, dans l'Hérault. L'univers présenté à Thiers est comme les lieux. Infernal !

Longtemps, Damien Deroubaix a travaillé à Berlin, après avoir étudié à Karlsruhe. On trouve d'ailleurs de nombreux points d'accroche avec la nouvelle peinture allemande, qui n'a jamais renoncé au raffinement de ce médium classique sans avoir peur ni de l'expressionnisme, ni d'un certain goût punk pour le bad painting. Dans les vastes toiles de l'artiste, se mélangent la peinture à l'huile et les collages, le sens précis de la composition, une multitude de symboles et un goût gothique pour les aspects sombres de l'humanité et de l'histoire. Il décortique les penchants mortifères de la société contemporaine, s'empare des icônes du temps pour les faire dialoguer avec les formes classiques dans des présentations théâtrales.

Passé les portes de l'enfer, une installation percée de sept portes, le visiteur se retrouve confronté à la gigantesque fresque hard rock Chamcha (le nom de l'un des héros des Versets sataniques de Salman Rushdie) spécialement conçue pour l'exposition, quatre mètres par six où se mélangent créatures grotesques et monstrueuses, soldats du nihilisme, allusions à la violence du monde, crânes, squelettes, références à la culture pop, à l'histoire de l'art classique et pré-colonial.

La présentation de l'exposition évoque la pensée du philosophe René Girard. Selon lui, chacun se croit seul en enfer, et précisément, c'est cela l'enfer. Les dessins préparatoires montrent les recherches entreprises par l'artiste, avec un grand sens du détail, des superpositions, des voisinages, de l'entrelacement des images pour construire cette vision complexe et tragique du monde d'aujourd'hui.

Enfant, Damien Deroubaix a été marqué par la découverte du Guernica de Picasso, sa révolte déchirante face à la barbarie mais aussi certainement sa composition rigoureuse. Cette fascination est à l'oeuvre dans une autre des grandes toiles de l'exposition, L'Esprit de notre temps, un esprit torturé par la violence, l'obscurantisme et la cupidité.

Dans une toile intitulé Damien, l'artiste propose une manière d'autoportrait, une créature cornue dans un camaïeu de gris qui semble émerger de façon magique du papier. Comme dans les tableaux de Jérôme Bosch, les créatures de Damien Deroubaix ont souvent la beauté inquiétante du diable, une fascinante démesure et une force surnaturelle.

Sur le toit de l'usine, il invite quatre autres artistes à présenter des sculptures à ses côtés en plein air, face à la vallée. Dans cette étrange ambiance, prennent place un ange déchu de Souche, des jambes hermaphrodites de Yannick Vey, une évocation des Bulul philippins par Gaston Damag et un incroyable massacre de Gretet Weyer dont les animaux semblent encore chauds et sur lequel vient s'asseoir un enfant enveloppé dans une peau de bouc. Damien Deroubaix se joint à cette présentation dionysiaque avec une créature pleine de seins adossée à un requin, transformant la terrasse de l'ancienne usine en toit de cathédrale gothique.

Jusqu'au 29 janvier 2017. Mercredi au lundi, 13 h à 18 h. Le Creux de l'enfer, 85 avenue Joseph-Claussat, Vallée des usines, Thiers. Entrée libre. 04 73 80 26 56.

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