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Alès : la naissance de l'imaginaire médiéval au musée du Colombier


Le musée du Colombier à Alès explore la construction de l'imaginaire du médiéval au XIXe siècle. De l'esthétique au politique...

Les princesses attendant les preux chevaliers en haut d’une tour crénelée... L’imaginaire attaché au Moyen-Âge, véhiculé par la littérature, la peinture, puis le cinéma ou les séries télévisées est assez éloigné de la réalité. Le musée du Colombier d’Alès explore la construction de cet imaginaire, développé principalement au XIXe siècle, construisant un Moyen-Âge rêvé mêlant les découvertes archéologiques de l’époque, les recherches historiques, une bonne part de fantasme et une passion romantique. Guidée par les illustrations de Patrick Dallanégra, la visite permet de mieux comprendre les enjeux esthétiques et politiques de cette construction.

À l’époque des Lumières, les siècles médiévaux sont vus comme des temps obscurs. Progressivement, à la faveur des bouleversements du XIXe siècle, un intérêt nouveau se développe pour cette période. C’est le cas notamment dans la littérature populaire, assez peu naturaliste, avec l’apparition de personnages comme Ivanhoé ou Robin des Bois. Destriers, hallebardes et gentes dames en détresse dans les donjons... Les illustrations sont assez peu réalistes ! En France, Victor Hugo publie Notre-Dame-de-Paris dans lequel le narrateur, un homme du XIXe siècle, livre une vision assez négative du Moyen-Âge, période d’ignorance, de superstition et de chasse aux sorcières.

Moins connu, en peinture se développe le style troubadour. Dans de petits formats, les artistes privilégient les détails précieux, les clairs-obscurs, les sujets dramatiques et les histoires religieuses. Le peintre gardois Melchior Doze qui a participé à la décoration de nombreuses églises, notamment de la basilique de Lourdes, est exemplaire du mouvement, tout comme Ernest Hillemacher qui s’empare de l’histoire de la Tour de Nesle et des filles fautives de Philippe Le Bel, un sujet qui a aussi inspiré Alexandre Dumas.


Dans un style plus classique, l’exposition montre aussi les dessins préparatoires du peintre néoclassique Alexandre Cabanel pour une fresque en hommage à saint Louis pour le Panthéon à Paris.

Cet élan artistique s’accompagne d’un regard neuf sur le patrimoine. Après les nombreux dégâts de la Révolution, se développe une attention pour les vieilles pierres. La commission des monuments historiques de Prosper Mérimée s’installe, on recense les monuments, on diffuse des gravures pour inciter le public à les découvrir. C’est aussi la période de construction du chemin de fer et d’un premier développement du tourisme. C’est surtout la période d'Eugène Viollet-le-Duc, l’architecte qui a restauré Notre-Dame-de-Paris, la cité de Carcassonne ou le château de Pierrefonds avec des méthodes assez éloignées des pratiques contemporaines... « Restaurer un édifice, ce n’est pas l’entretenir, le réparer ou le refaire, c’est le rétablir dans un état complet qui peut n’avoir jamais existé », dit-il. Le sommet de cette vision de carton-pâte est atteint avec l'Exposition universelle de 1900 et la reconstitution très fantaisiste d’un vieux Paris sur les rives de la Seine par Albert Robida, véritable parc d’attraction construit sur pilotis le long de la rive droite.

La diffusion de cet imaginaire entre dans les foyers. La volonté d’éduquer de la IIIe République et la joliesse des représentations anecdotiques s’entrecroisent dans les images d’Épinal prêtées par le Mucem de Marseille. Ces clichés sont également véhiculés par les premières cartes en chromolithographie distribuées dans les plaquettes de chocolat Guérin-Boutron ou Poulain.

Mais cette histoire a également son versant politique avec l’émergence de la figure de Jeanne d’Arc. Longtemps considérée comme une idiote fanatique (Voltaire voyait dans son histoire des « couillonnades »), elle revient sur le devant de la scène au XIXe siècle, notamment avec l’édition des minutes de son procès. Au départ, elle séduit la gauche qui y voit une victime de l’Eglise, abandonnée par le pouvoir politique. Puis les religieux, la droite et les courants patriotiques s’en emparent, exaltant celle qui a bouté l’étranger hors de France dans une époque où l’Alsace et la Moselle se trouvaient de l’autre côté de la frontière.

Jusqu'au 7 janvier. Tous les jours, 14 h à 18 h. Musée du Colombier, 1 rue Jean-Mayodon, Alès. 5 €, 2,50 €. 04 66 86 30 40.


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