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Le Vigan : la peinture et le geste au château d'Assas


Avec "Gestes et matérialités en peinture", Joris Brantuas réunit Noël Dolla, Georges Autard et Dominique Gauthier au château d'Assas au Vigan.

Joris Brantuas aime à souligner qu’en français, le mot peinture désigne un objet terminé, alors qu’en anglais, painting définit à la fois un résultat et un processus. Et c’est justement, le “faire” qui intéresse l’artiste nîmois qui présente l’exposition “Gestes et matérialités dans la peinture” au château d’Assas du Vigan dans le Gard, en soulignant le « courage » de ce centre d’art, qui présente une création contemporaine exigeante en milieu rural, tournée vers le monde et dialoguant avec son territoire.

Le Nîmois Joris Brantuas présente d’abord deux Abstractions libres, des toiles où il revisite l’héritage des avant-gardes, notamment de Supports-Surfaces, avec humour et liberté. Pour lui, l'art est une interrogation sur le goût et l’artiste ne rejette ni le décoratif, ni le kitsch, il cherche à les épuiser dans un art qui se refuse « à être un savoir-faire, une démonstration ». Le peintre contemporain n’est rien d’autre qu’un artiste qui se sert de la peinture. À l’inverse de ses aînés, il ne cherche pas à déconstruire la peinture, il a simplement digéré leurs expériences. « Ils ont ouvert un éventail d’outils, de langages, je m’en sers », explique-t-il, simplement.

Sur des toiles mal tendues, il livre une variation autour de la touche, refusant la préciosité du tableau pour mettre en place de façon une composition invitant à la pensée devant une oeuvre. « Personne ne m'attend pour libérer l'abstraction », s'amuse l'artiste qui voudrait retrouver dans la peinture les premières expériences de l'enfance. Pour lui, la figuration n'est qu'un accident dans la peinture abstraite !

À ses côtés, l’artiste également commissaire présente les travaux de trois glorieux aînés, trois aventuriers de l’art contemporain français qui ont fait sortir l’art de peindre des canons académiques. Noël Dolla a été l’une des figures de Supports-Surfaces, il a participé à plusieurs des manifestations du mouvement dans les années soixante-dix, s’est fait connaître notamment pour ses peintures à la fumée, a été l'un des introducteurs du Land art en France. Pour le château d’Assas, il réactive une pratique ancienne. Noël Dolla trempe des serpillières dans de la peinture rouge, les laissant absorber la couleur par capillarité. Il les estampille ensuite d’un A cerclé, symbole de l’anarchie et les étend sur un fil comme le linge séchant aux fenêtres du Vieux Nice, sa ville d’origine. Nouveau support, nouvelle peinture, nouvel accrochage... On est loin de la majesté muséale des Beaux-arts !

Pour Georges Autard, la peinture ne se limite pas non plus à la toile et au pinceau. Nourri par la culture asiatique, il a remarqué la trace laissée par les moines bouddhistes sur les livres de prière. Il reproduit ce geste avec des toiles monochromes qu’il fait tourner dans ses mains enduites de peinture pour y déposer des traces de couleurs sur les contours. Sur d’autres toiles couvertes d’une matière liquide, il se prosterne à la manière des bouddhistes en prière et, dans son geste, efface la peinture pour dessiner un moment. Les mots sont omniprésents dans son travail, ils viennent de la pop culture, de la poésie ou de la spiritualité, des poèmes de Bob Dylan, des performances du Living theater... « On peut comprendre ce qu’on veut, ce n’est pas un mot d’ordre, mais des brides d’état d’esprit », explique l’artiste. Sur une œuvre remarquablement composée, une toile tendue posée et posée au sol, sur une autre flottante et clouée au mur, il écrit avec une peinture coulante à la Cy Twombly : « la peinture me fait ».

Par ses mots, Georges Autard inverse les principes de l’acte créateur. Tout comme Dominique Gauthier, dont les œuvres se construisent en amont de la peinture même, par l’élaboration de procédures, la construction d’outils dans un rêve de tableau se faisant tout seul. Dans son atelier, l’artiste dispose de tout un arsenal technique, d'outils complexes et artisanaux pour pousser la peinture dans ses retranchements, dans un jeu constant entre hasard et maîtrise, risque et contrôle.

Révélé dans les années 80, il présente trois grandes toiles de périodes différentes. Dans la plus ancienne, il évoque le passage de l’art byzantin à la Renaissance par un hommage au crucifix de Cimabue, dans un jeu sur les volumes et la matière qui refuse tout illusionnisme. Avec une grande composition des années 2000, il propose une Rubensonnade, folie dionysiaque faite de lignes complexes et exubérantes, foisonnantes et saturées qui s'entrecroisent, se recouvrent sans jamais se perdre. « Une toile composée dans son propre excès », selon l’artiste.

Enfin, Dominique Gauthier livre « un portrait venu de l’invisible ». Pour cette série, il suspend une vingtaine de sacs de peinture à des lustres, « des restes de couleur, toute ma palette ». Il les perce, quitte l’atelier et laisse les gouttes de peinture couler sur la toile. « Quand je reviens, je découvre une figure horizontale. Pour lui donner une stature verticale, je dois choisir l’un des quatre sens possibles, je reconnais un portrait. C’est un principe d’apparition qui vient vers moi, il y a un nombre potentiellement très élevé de tableaux possibles et l’un se manifeste », explique Dominique Gauthier, sensible au silence de l’atelier, « comme dans les tombes étrusques » quand la peinture prend le pouvoir.

Informations pratiques :

Jusqu’au 24 février. Lundi au vendredi, 10 h 30 à 12 h et 14 h à 17 h. Château d’Assas, 11 rue des Barris, Le Vigan. Entrée libre. 04 99 64 26 62.

Pour aller plus loin :

Présentation de l'exposition sur le site internet du Château d'Assas.

Chaîne Youtube de Joris Brantuas.

Page consacrée à Noël Dolla sur le site internet Documents d'artistes.

Site internet de Georges Autard.

Site internet de Dominique Gauthier.

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