top of page

Montpellier : sur la route de Mulholland Drive à La Panacée


Retour sur Mulholland Drive, première grande exposition énigmatique de Nicolas Bourriaud à La Panacée à Montpellier.

Chacun conserve un souvenir personnel des films David Lynch. Et même, chaque nouvelle vision d'un film relève de l'expérience singulière. Avec "Retour sur Mulholland Drive" à La Panacée, Nicolas Bourriaud, nouveau patron de l'art contemporain à Montpellier, présente son propre regard. On peut s'y retrouver. Ou pas... Comme il y a des livres mondes, La Recherche de Proust, Ulysse de Joyce ou Cent ans de solitude de Garcia Marquez, Mullholland Drive est un film monde, une oeuvre totale, créatrice de sa propre forme. Le film culte fait assurément partie de ces monuments qui ne se laissent jamais saisir complètement, qu'on peut réinterpréter, relire, revoir sans cesse, toujours avec le même émerveillement de la découverte.

Pour évoquer le film, le commissaire rassemble des artistes réunis par un penchant pour ce qu'il appelle le minimalisme fantastique, c'est-à-dire le goût de faire surgir de l'étrange et l'inquiétant du banal et du quotidien. Devant cette présentation un peu à l'étroit, où les oeuvres sont présentées sans cartels, on se retrouve effectivement comme dans un film de David Lynch : égaré. Le propos est souvent complexe... Heureusement, les médiateurs, plutôt meilleurs à La Panacée qu'ailleurs, sont là pour se repérer dans ce parcours énigmatique. Mais il est difficile de retrouver vraiment l'ambiance du film, tant Nicolas Bourriaud en gomme l'ivresse sensorielle, privilégiant une démarche conceptuelle. L'exposition ne tient pas totalement ses promesses. David Lynch, n'est pas seulement cinéaste. L'adepte de la méditation transcendantale est aussi musicien et peintre, il a été exposé à la Fondation Cartier. On aurait aimé voir par exemple comment ce minimalisme fantastique se manifeste dans son travail plastique. Néanmoins, plusieurs oeuvres méritent un regard attentif...

La cible floue d'Ugo Rondinone est une belle et juste métaphore de l'ensemble du cinéma de David Lynch où le réel s'échappe sans cesse pour réapparaître transfiguré. Ensuite, plusieurs propositions évoquent des thématiques du film. Avec son mélange de peintures et d'installations autour des souvenirs d'enfance, la suédoise Ylva Ogland s'intéresse à la figure du double à travers une relecture de son histoire intime.

Comme à Los Angeles où se côtoient les contraires, Ajay Kurian fait cohabiter dans une même sculpture les bas-fonds et le luxe, la banalité et le rêve installant une carapace de tortue dorée à l'or fin et des dés en lapis-lazuli sur un bidon comme celui dont se servent les sans-abri pour se chauffer.

Les mains gantées (Desire et Strike a pose) d'Emilie Pitoiset rappellent le style glamour des héroïnes du film. Avec son étrange Nature morte, Lothar Hempel livre une sculpture à l'esthétique pop où se multiplient les plans d'un enfant tiré d'un film d'horreur japonais et d'une souche noueuse, une pièce à tiroir dont la forme évoque les panneaux publicitaires alignés le long des routes américaines. Accrochée dans un coin, une clé. Pour ouvrir les portes du paradis, pour fermer un coffre à secrets ou pour obstruer le trou de la serrure ?

Dans les recoins, Nicolas Bourriaud présente deux salles à l'ambiance totalement différente, évoquant des lieux de Mulholland Drive. Avec l'étrange poubelle de Kaz Oshiro et les jardins inquiétants de Maria Loboda, l'exposition s'arrête dans l'arrière-cour du Winkies. Au milieu, Jonathas de Andrade s'intéresse à l'oubli dans la société américaine avec une oeuvre puissante, des portraits de Zumbi dos Palmares, esclave rebelle du XVIIe siècle et fondateur d'une petite république autonome au Brésil, sérigraphiés sur du bois de coco.

Place ensuite à l'ambiance nocturne du club Silencio... Dans une lumière bleutée et onirique, les paysages d'Hicham Berrada sont une belle surprise. Dans des aquariums et grâce à de mystérieuses procédures chimiques, l'artiste construit des paysages relevant à la fois du tableau et de la sculpture vivante. Dans un bac de Max Hooper Schneider, les petits poissons nagent innocemment au milieu d'une vaisselle en ouraline, un verre aux étranges reflets né d'un mélange avec de l'uranium. Pris au piège comme on l'est dans le film de David Lynch, qu'on a très envie de revoir en sortant de La Panacée...

Jusqu'au 23 avril 2017. Du mercredi au samedi de 12 h à 20 h. Dimanche de 10 h à 18 h. La Panacée, 14 rue de l’Ecole de pharmacie, Montpellier. Entrée libre. 04 34 88 79 79.

 FOLLOW THE ARTIFACT: 
  • Facebook B&W
  • Twitter B&W
  • Instagram B&W
 RECENT POSTS: 
bottom of page