Sauve : les visages du silence d'Ayako David Kawauchi à la galerie Larnoline
A Sauve, la galerie Larnoline expose les portraits mystérieux de l'artiste d'origine japonaise Ayako David Kawauchi.
A quoi pense cette enfant assise, les yeux dans le vague ? Que regarde cette petite fille à côté d'une fenêtre ? Et cette autre jeune femme qui lève les yeux ? Le temps dans lequel se situent les personnages d’Ayako David Kawauchi est suspendu. Parallèle. Flottant. Doux, très doux. Lent, très lent. Devant chaque dessin exposé à la galerie Larnoline, belle galerie tournée vers le dessin contemporain et installée au centre du village médiéval de Sauve dans le Gard, il faudrait se poser. Il faudrait prendre le temps d’entamer une conversation silencieuse avec le sujet, de percer les mystères qui se cachent derrière ces regards fuyants, tout en sachant qu’ils ne sont pas prêts à livrer leurs secrets au premier venu... Chaque dessin d’Ayako David Kawauchi est comme le début d’une énigme, une bribe de narration inachevée...
L’artiste d’origine japonaise, installée en France depuis une trentaine d’années, utilise de façon virtuose le fusain, ce charbon de bois antique et primitif utilisé par les dessinateurs depuis la nuit des temps. Ayako David Kawauchi travaille toujours d’après modèle vivant. Au-delà du visage, elle capture avec acuité des attitudes, saisit des émotions intérieures. D’un trait précis, à la fois stylisé et vivant, où se mélangent également la pierre noire et le blanc du gesso, elle dessine des portraits étranges, sensibles et oniriques.
Certains sont figurés de face, d’autres tournent le dos à l'artiste et à celui qui regarde le dessin. Mais chaque détail compte pour raconter une histoire et pour Ayako David Kawauchi, une nuque a autant d’importance qu’un sourcil. Celle est raide, celle-là courbée ou dénudée. Les corps semblent égarés, errant dans un autre monde, dans des univers où l’œil ne peut s’accrocher à aucun élément tangible du réel. Depuis peu, Ayako David Kawauchi intègre de façon très minimale quelques couleurs dans ses dessins, notamment pour les décors, subtiles compositions abstraites et géométriques inspirées par les recherches sur la perspective de Piero della Francesca ou les intérieurs carcéraux de Francis Bacon. Mais toujours avec délicatesse, comme pour suggérer d'autres pistes, inviter à d'autres visions, prolonger les méditations. L'art d'Ayako David Kawauchi tient du silence et du murmure...
Les yeux sont souvent sombres, ils croisent rarement ceux des visiteurs. Les personnages ne sourient pas, ils songent et conservent dans les traits quelque chose d’enfantin même quand ils ont vieilli. Paradoxalement, ils sont à la fois très présents et insaisissables, à la fois emplis de douceur et portant une inquiétude au cœur. Chacun projette en eux ses propres sentiments, ses angoisses, son histoire, son imagination.
Pas de carnation... Les lignes dessinent avec sensualité des silhouettes, des ombres... « Je n’ai pas besoin d’exprimer la chair », expliquait l’artiste dans une conversation avec Claudine Tiercelin, titulaire de la chaire de métaphysique au Collège de France à l'occasion de l'exposition Les Ephémères en 2015. Elle préfère essayer de figurer avec pudeur un état de passage silencieux, les âmes, la mémoire et les rêves...
Cultivant l'élégance et l'excellence, la galerie Larnoline annonce déjà deux expositions prometteuses. En juillet, elle accueillera Sarah Jérôme, artiste de l'ombre et de la lumière, plasticienne creusant les ambiguïtés du corps. Et à l'automne, Ghyslain Bertholon, connu pour son travail autour de l'animalité et de la taxidermie, présentera une série de dessins.
Informations pratiques
Jusqu’au 16 juillet. Mercredi au dimanche, 11 h à 13 h et 15 h à 19 h. Galerie Larnoline, 2 rue de l’évêché, Sauve. Entrée libre. 04 66 80 53 03.
Pour aller plus loin
Le site internet de la galerie Larnoline.
Curiosités, l'exposition inaugurale de la galerie Larnoline.
Le site internet d'Ayako David Kawauchi.
Le site internet de Sarah Jérôme.
Un interview de Sarah Jérôme dans l'émission Paso Doble, sur France Culture.
Le site internet de Ghyslain Bertholon.