Rencontres d'Arles : dans l'intimité des Gorgan par Mathieu Pernot
Aux Rencontres de la photographie d'Arles, les Gorgan, exposition sensible de Mathieu Pernot.
Il y a des sujets franchement casse-gueule. Par exemple, pour un jeune artiste en formation à l'Ecole nationale supérieure de la photo d'Arles, de se lancer dans un travail sur les gitans. Mais Mathieu Pernot a su dès le départ éviter tous les écueils. Il propose aux Rencontres de la photographie l'une des expositions les plus sensibles de l'édition 2017. Le jeune photographe a rencontré les Gorgan en 1995 et s'est engagé dans un projet qui s'est finalement étiré sur deux décennies. Le résultat est bouleversant d'humanité et donne naissance à un beau livre chez Xavier Barral et à une exposition remarquablement accrochée à la maison des peintres, nouveau lieu des Rencontres de la photographie.
Quand Mathieu Pernot débute son travail, il ne savait « rien de cette communauté » et ignorait « alors que cette famille rom était installée en France depuis plus d'un siècle ». Il part à la rencontre de Johny et Ninaï, installés « en caravane avec leurs sept enfants, entre la gare de fret et le Rhône ». Il commence par des photos en noir et blanc, dans la tradition documentaire, peut-être aussi pour garder une certaine distance. D'emblée, il évite tous les clichés ethnographiques, toutes les caricatures, mais aussi toutes les gentilles naïvetés, pour photographier peu à peu la biographie d'une famille. Avec le temps, il s'éloigne des Gorgan, puis les retrouve comme s'il les avait quittés la veille, retrouvant immédiatement la même complicité.
Sur chaque cimaise, il raconte le parcours de l'un des membres de la famille, de Johny, d'Anaï, de Rocky, de Doston, de Giovanni, de Vanessa et des autres. Mathieu Pernot mélange les photos anciennes, celles plus récentes, quelques clichés tirés des archives personnelles des Gorgan pour intégrer dans la narration quelques événements marquants auxquels il n'a pas pris part. Mathieu Pernot ne vole par leur intimité, il est entré dans la famille ! Il leur vient en aide, est le parrain de la petite Ana. « A leur côté, j'ai assisté, pour la première fois à la naissance d'un enfant ; j'ai aussi veillé le corps de celui que j'avais vu grandir : Rocky, mort brutalement à l'âge de 30 ans », raconte-t-il, parvenant pourtant à toujours garder la bonne distance, tout en vivant leur intimité. C'est ensemble que les Gorgan et Mathieu Pernot construisent ce projet, plein de tendresse.
Au fil des images, le photographe multiplie les points de vue, raconte les histoires de chacun, la famille qui s'agrandit, les deuils, les déménagements sans rien occulter des destins individuels, notamment en montrant les hurleurs aux portes des prisons communiquant avec ceux qui sont à l'intérieur. Toujours avec un souci de la dignité, ce photographe foucaldien, qui s'est aussi intéressé aux prisons, aux migrants ou aux hôpitaux psychiatriques, se situe à hauteur d'homme, avec pudeur et sensibilité, avec la volonté de comprendre et d'expliquer. Il ne donne pas à voir les Gorgan, mais invite à partager un moment en leur compagnie.
Jusqu'au 24 septembre 2017. Tous les jours, 10 h-19 h 30. La Maison des peintres, boulevard Emile-Combes, Arles.
Dans le cadre du parcours hors les murs Grand Arles Express, les Rencontres de la photographie présentent une autre exposition de Mathieu Pernot à Toulon. A l'hôtel des arts, il présente "Survivances", parcours inédit dans le travail que Mathieu Pernot a réalisé auprès de diverses communautés tsiganes depuis une vingtaine d'années, notamment en Roumanie en 1998, dans le cadre d'une bourse de la Villa Médicis hors les murs.
Jusqu'au 1er octobre 2017. Mardi au dimanche, 10 h-18 h. Hôtel des arts, boulevard Général-Leclerc, Toulon.