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Montpellier : Bacon Nauman, face à face inédit au musée Fabre


Le musée Fabre de Montpellier explore les correspondances entre l'art de Francis Bacon et de Bruce Nauman. Stimulant !

Qu'ont-ils à se dire ces deux géants ? En apparence, pas grand chose. Et pourtant la confrontation entre Francis Bacon et Bruce Nauman au musée Fabre à Montpellier est l'une des expositions les plus excitantes et les stimulantes du moment. Le Britannique Francis Bacon, par bien des aspects, apparaît comme l'un des derniers représentants de la figure du grand peintre. Il a développé un art expressionniste et tourmenté, reclus dans son atelier et on l'imagine plus facilement observant de loin Picasso ou décortiquant Velasquez que visitant les galeries d'avant-garde de la côte ouest où a commencé à exposer le plasticien américain Bruce Nauman dans les années 60.

Francis Bacon est mort en 1992, Bruce Nauman, Lion d'or de la biennale de Venise en 2009, a aujourd'hui 75 ans. Mais l'exposition, présentée dans le cadre des 40 ans du centre Pompidou, ne cherche pas à établir des filiations douteuses, elle explore les correspondances entre les oeuvres et les thématiques transversales qui travaillent le parcours des deux artistes. Tous deux ont construit un art autour de l'expérience du corps, jouant sur ses déformations, ses mutations, dans des espaces construits de façon savante.

D'emblée, le visiteur est encadré par les projections vidéos d'Art Make Up de Bruce Nauman, où l'artiste enduit son corps de peinture, se montrant et se masquant en même temps dans un geste qui fait de lui à la fois un peintre et un tableau. A côté, le regard distingue déjà un grand triptyque bouleversant de Francis Bacon à la mémoire de son compagnon George Dyer, peint peu après son suicide. Tous les a priori possibles sur l'incongruité d'une telle rencontre s'effondrent immédiatement !

Francis Bacon, comme Bruce Nauman, construisent tous deux des espaces géométriques dans lesquels les corps vont s'incarner, se mouvoir ou se statufier avec une intensité particulière. Le Britannique enferme ses figures dans des compositions souvent carcérales et suffocantes, comme sa Figure assise (1974) où la silhouette toute en torsion s'insère dans un espace de lignes emboîtées construisant un volume angoissant. Dans Walk with contrapposto, vidéo proche des questions posées par les artistes de l'art minimal, Nauman se déhanche en suivant les lignes de carrés dessinés au sol.

Le cercle est aussi un espace qu'utilisent fréquemment les artistes, comme la piste d'une arène où Bacon pose le corps nu et désarticulé de George Dyer ou le carrousel que dessinent les chaises tournantes du Love Seat de Bruce Nauman. Pour l'un comme pour l'autre, il s'agit d'une façon de concevoir le temps, suggérant l'infini, les répétitions, les cycles et l'absurde sisyphéen.

Cette figure, Francis Bacon et Bruce Nauman vont la triturer en tous sens, la broyer, les tronçonner. Bruce Nauman la met en mouvement avec les néons de Double Poke Eye, Francis Bacon la transforme en créature monstrueuse avec Fury, tableau peint en 1944, en pleine guerre mondiale et qui dit toute l'horreur du temps. Tous deux s'intéressent à l'animalité, Francis Bacon notamment avec un grand triptyque évoquant la mort du matador Ignacio Sanchez Mejias et le poème de son ami Federico Garcia Lorca. Ils fragmentent les corps des hommes et des animaux, notamment Bruce Nauman avec ses sculptures suspendues de chiens recomposés ou Francis Bacon avec un effroyable boeuf écorché. Malgré les couleurs et la forme, l'art de Bruce Nauman se révèle bien plus tourmenté qu'au premier abord.

Dans leur travail autour du portrait et du visage, viennent se conjuguer toutes ces recherches. Avec ses déformations maîtrisées, Francis Bacon montre des traits grimaçants tout en captant les lignes essentielles, comme dans son autoportrait ou dans le célèbre portrait de Michel Leiris. Il peindra deux portraits de son ami ethnographe, mais Bacon expliquera « celui qui lui ressemble le moins au sens littéral est celui qui, d'une façon poignante, exprime le mieux qui il est ».

L'exposition s'achève en fanfare. Deux petites salles et des chefs d'oeuvres ! Place d'abord aux papes de Francis Bacon, variations étourdissantes autour de Velasquez qui résument tout son art. Tout y est : les cages, les visages monstrueux, les corps malmenés, cette violence sombre et sourde... Bacon est revenu constamment et de façon obsessionnelle à cette série, explorant toutes les possibilités extrêmes de son art, déshumanisant toutes les figures de la puissance avec violence, rage et peut-être une certaine forme d'humour noir. Le cri, la bouche ouverte d'Innocent X se retrouvent dans l'installation vidéo Anthro/Socio de Bruce Nauman, où il filme en gros plan le chanteur d'opéra Rinde Eckert hurlant inlassablement « Feed me, eat me, anthropology, help me, hurt me, sociology ». Sur des moniteurs et sur les murs, les images et les phrases psalmodiées encadrent le spectateur, prisonnier comme dans une composition de Francis Bacon.

Jusqu'au 5 novembre 2017. Mardi au dimanche, 10 h-19 h. Musée Fabre, 39 boulevard Bonne-Nouvelle, Montpellier. 10 €, 8 €, gratuit - 6 ans. 04 67 14 83 00.

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