Nîmes : interrogations sur les images d'archives à Carré d'art
Faire face, une exposition des Colombiens Beatriz Gonzalez et José Alejandro Restrepo à Carré d'art à Nîmes, dans le cadre des Rencontres de la photographie d'Arles.
Les artistes latino-américains, et notamment colombiens sont à l’honneur aux Rencontres d’Arles. Poursuivant son compagnonnage avec le festival photo, le musée Carré d’art à Nîmes participe au mouvement, en accueillant deux créateurs qui interrogent la place de l’image dans les processus de représentation, à travers les traces que laissent les archives. Dans une démarche de musée d'art contemporain, Carré d'art ne se contente pas d'exposer des photos, mais souhaite montrer le travail de créateur qui l'utilisent pour partir vers d'autres directions. Les deux artistes sont réunis par la commissaire Carolina Ponce de Leon, spécialiste de la scène colombienne.
Beatriz Gonzalez est l’une des figures fondatrices de l’art contemporain, qui a commencé dès les années 60 à interroger la culture de son pays à travers l’appropriation d’archives. Plus jeune, José Alejandro Restrepo a été dans les années 90 l’un des pionniers de l’art vidéo dans son pays. À partir d’un même matériau, ils s’orientent tous deux dans des directions personnelles.
Très minimaliste dans sa présentation, la partie de l’exposition consacrée à Beatriz Gonzalez montre la façon dont elle explore l'histoire de son pays et l’identité colombienne à travers la fixation de la presse sur certains sujets, étirant le propos d’une image pour consolider sa persistance dans la mémoire collective, nationale et internationale. À partir d’une photo de presse évoquant la guerre intérieure qui a ravagé son pays, elle propose un dessin, puis un vaste papier peint, détournant un langage populaire et un aspect décoratif pour modifier la signification d’une image.
Dans les années 70, elle a chroniqué de manière ironique la présidence de Julio César Turbay, faisant des dessins de lui dans toutes les circonstances, dans les cérémonies officielles ou grisé dans des cocktails. Dans cette veine Plumario Colombiano montre différents présidents du pays, coiffés des plumes traditionnelles des communautés amérindiennes lors des campagnes électorales dont ils oublient rapidement les problèmes et les intérêts une fois élus.
Avec ses vidéos, José Alejandro Restrepo prolonge ces interrogations. Restrepo s’intéresse aux intérêts idéologiques qui guident les montages et à ce hors-champs invisible qui en résulte. Dans une courte vidéo minimale et frappante, il met face à face l’exhumation du crâne de Pablo Escobar et une scène d’Hamlet. Être ou ne pas être ? Être ou ne pas être un banni ? Restrepo étudie les images de la police qui cherche à travers la tradition criminologique à identifier les visages du mal.
Dans Faire face, il fait défiler sur un rythme effréné les portraits des paramilitaires. Comment identifier les visages du mal ? Est-ce seulement possible comme le suggère ces photos ? Dans un pays où se pose désormais la question du pardon, il livre sa vision du purgatoire ou interroge la question du sacrifice avec l’étonnante vidéo Le chevalier de la foi, qui réactive une mémoire tragique, celle de l’attaque sanglante du palais de justice de Bogota en 1985, en convoquant la pensée de Kierkegaard face aux images d’un vieux monsieur donnant à manger à des pigeons sur l’esplanade du bâtiment meurtri.
Jusqu’au 24 septembre. Mardi au dimanche, 10 h-18 h. Carré d’art, place de la Maison Carrée, Nîmes. Gratuit. 04 66 76 35 70.