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Les Baux-de-Provence : L'imaginaire d'après nature de Cartier-Bresson au musée Brayer


Le musée Yves-Brayer des Baux-de-Provence expose "L'imaginaire d'après nature", une cinquantaine de photos d'Henri Cartier-Bresson.

Sa formule est restée célèbre, elle sert toujours de bréviaire à bien des photographes. Pour Henri Cartier-Bresson, « photographier, c’est mettre dans la même ligne de mire la tête, l’œil et le cœur ». Avec L’imaginaire d’après nature, l’exposition qu’accueille le musée Yves-Brayer des Baux-de-Provence, les trois éléments sont alignés précisément 54 fois grâce à une collaboration avec la fondation Cartier-Bresson et l’agence Magnum.

Véritable florilège de l’art de l’œil du siècle, la sélection a été faite par Henri Cartier-Bresson de son vivant, comme une vision panoramique de sa carrière. Les premiers voyages, les grands reportages, les portraits, tout y est... Il est toujours assez incroyable de constater que le nombre de photos connues de Cartier-Bresson est aussi nombreux et pourtant qu'on les redécouvre à chaque fois. Avec en plus une présence spirituelle, puisque la famille Brayer a été en contact avec Cartier-Bresson, par l’intermédiaire de Célia Bertin, écrivain aujourd’hui un peu oubliée, prix Renaudot dans les années 50, amie des épouses du peintre et du photographe.

Dans les dernières années de sa vie, Cartier-Bresson avait tourné le dos à la photo, préférant se consacrer au dessin. Formé à la peinture dans l’atelier d’André Lhote, grand théoricien du cubisme, Cartier-Bresson possède un sens instinctif des règles de composition, les diagonales, les tiers, le nombre d’or. Il construit un cadre où tout est parfaitement en place, et quand un détail vient donner vie à cette composition, il « tire » comme il disait, capturant l’instant décisif, formule née de la traduction par les Américains du titre Images à la sauvette par les mots The Decisive moment. Les négatifs le montrent, Cartier-Bresson ne mitraillait pas, il ne prenait que quelques photos, souvent avec un 50 millimètres, l’objectif le plus proche de l’œil humain.

L’exposition débute par les premiers clichés personnels, au tout début des années 30, avant que Cartier-Bresson ne devienne reporter professionnel. Il voyage notamment en Italie, accompagné de Leonor Fini qu’il photographie nue dans l’eau et de son ami André Pieyre de Mandiargues qui dira qu’il assisté à la naissance « du plus grand photographe du siècle ». A la même époque, Cartier-Bresson séjourne en Espagne. Chaque fois, il reste sur place plusieurs mois, s’imprégnant de la vie quotidienne des habitants, livrant des images où il manifeste déjà un intérêt pour les questions sociales, des prostitués des bordels d’Alicante aux gamins des rues de Séville ou de Valence. En 1934, il part au Mexique accompagnant une mission scientifique qui avorte, mais lui reste sur place. Logé dans les bas-fonds, il rencontre Diego Rivera et Frida Kahlo, pénètre l'atmosphère bouillonnante de l'époque. Les images sont composées de façon géométriques, presque cubistes. Cartier-Bresson disait que le Mexique avait été l’un de ses voyages les plus marquants, les photos en témoignent toujours près de 80 ans après leur prise de vue.

Ce regard singulier, il le cultivera ensuite dans ses reportages. En 1937, il est envoyé par Ce soir, le journal d’Aragon, couvrir le couronnement du roi George VI. Cartier-Bresson ne s’intéresse pas au monarque et au carrosse royal, mais à la foule britannique, aux gens sur le parcours qui regardent passer le cortège.

Après guerre, il couvre le retour des prisonniers des camps, se rend aux Etats-Unis où le MoMA de New York, croyant le photographe mort pendant la guerre, lui prépare une exposition posthume. Il se lance dans un road trip pour Harper’s Bazaar en compagnie de l’écrivain John Malcolm Brinnin, fonde l’agence Magnum qui change l’histoire des photographes.

Les voyages se succèdent, des séjours au long cours. Cartier-Bresson est en Inde au moment où Gandhi est assassiné, en Chine quand Mao prend le pouvoir, photographiant le dernier œnuque du palais impérial ou les files d’attente pour changer de l’or avant l’arrivée des communistes.

Dans les années 50, il est le premier à pénétrer en Russie soviétique après la mort de Staline. Il en revient avec des milliers de photos qui marqueront les esprits et le regard de ses contemporains. Pas d’apparatchiks médaillés et de grandes parades militaires. Cartier-Bresson s’intéresse à la population, il photographie un homme en train de bronzer sur les murs de la forteresse Pierre-et-Paul, les ouvriers de l’hôtel, les personnes qui attendent sur les bords des routes enneigées...

L’exposition s’achève avec les portraits, d’anonymes lors des premiers voyages ou des célébrités, dans les années d’après-guerre. Les Joliot-Curie sont photographiés par surprise. Sur la porte des scientifiques, était écrit « entrez sans frapper ». Il pousse la porte, tombe sur le couple, photographie avant même de les saluer. Dans leur intérieur, les mains croisés, le regard perdu, fatigués et silencieux, le couple de savants est pris dans toute son humilité. Il photographie aussi le Sartre symbolisant le Paris existentialiste sur le pont des Arts, Matisse parmi ses oiseaux ou Giacometti courant sous la pluie toujours avec cette même intelligence sensible du regard. La tête, l’œil, le cœur bien alignés.

Jusqu’au 28 septembre 2017. Tous les jours, 10 h-12 h 30 et 14 h-19 h 30. Musée Yves-Brayer, hôtel de Porcelet, Les Baux-de-Provence. 8 €, 4 €, gratuit - 18 ans. 04 90 54 36 99.

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