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Le Vigan : images sensuelles du double par Marion Tampon-Lajarriette


Au Vigan, dans le Gard, la plasticienne Marion Tampon-Lajarriette présente une exposition ensorcelante, donnant naissance à un monde hybride.

Les salles du château d’Assas au Vigan sont plongées dans l’obscurité. En poussant le lourd rideau noir, le visiteur pénètre dans le monde ambivalent, plein de douceur de Marion Tampon-Lajarriette. La jeune plasticienne a été exposée au Palais de Tokyo à Paris ou au Mamco de Genève, la fondation Pinault lui a acheté une pièce.

“Arracher des larmes aux pierres”, son exposition du Vigan, dans le Gard, est un enchantement. Un peu magicienne, un peu sorcière, elle joue sur les sensations pour créer un monde hybride où les frontières entre l’animal, le végétal, le minéral deviennent poreuses, où les lumières, les projections, les images enveloppent le corps et le regard, où la poésie, la sensualité, la mémoire s’entrecroisent dans un monde sensible et parallèle. De façon très contemporaine et personnelle, Marion Tampon-Lajarriette s’empare d’un long héritage culturel, depuis la beauté antique jusqu’au goût de l’étrange des surréalistes, mais toujours sur le mode de la suggestion.

D’emblée, le visiteur se trouve confronté aux grands écrans d’Endorcisme, deux vues de cratère qui dessinent les yeux d’un visage. Les images flottent, l’artiste joue avec le négatif et le positif, mélangeant le ciel et les tréfonds de la terre. Marion Tampon-Lajarriette vient de séjourner à l’Institut suisse de Rome, équivalent helvétique de la Villa Médicis. « Outre l’omniprésente marque des héritages culturels de ces lieux, notamment mythologique et mystique, la qualité particulière de leur lumière et de leur ombre, leur activité sismique actuelle ou encore leurs réseaux de cavités naturelles et de lieux de cultes rupestres se trouvent être des acteurs plus ou moins explicites de mes recherches », explique l’artiste. « Trous ou percées assimilés à une sorte de regard ouvrant un va-et-vient possible entre un intérieur et un extérieur de lumière ou de ténèbres (...). Autant de passages qui mèneraient indifféremment d’un côté à l’autre, du dedans et du dehors de l’enveloppe terrestre, de son feu et son obscurité intérieurs à la lumière céleste de la surface ».

L’influence romaine est plus évidente encore avec l’installation Hot Marble. Par un système de projection sur un millefeuille de voiles de tulle, Marion Tampon-Lajarriette donne à voir des mains qui caressent une statue antique. Les images sont filmées avec une caméra thermique, le marbre apparaît dans des tonalités froides, les mains dans des teintes brûlantes et réchauffent peu à peu la pierre, la faisant apparaître délicatement, presque miraculeusement. Deux images sont projetées en même temps, de part et d'autre, s’enfonçant dans les transparences des couches de tissu, s’épousant par instants, se frôlant à d’autres moments « au seuil du visible et du sensible, du perçu et du rêvé »... Le résultat est fascinant, totalement hypnotisant, d’une sensualité débordante, pleine de délicatesse.

Ce double jeu autour des images se manifeste aussi avec les photos qu’elle réalise avec un smartphone puis tire sur grands films transparents, présentés dans des lumières nocturnes. Une fleur se transforme en visage, une main en plante épineuse, un masque de théâtre rappelle ce goût de l’ambivalence, où l’imagination ne s’efface pas derrière la réflexion pour donner naissance à un univers mental ensorcelant. C’est notamment le cas avec la vidéo Lacrimosa, un autre bijou. Marion Tampon-Lajarriette filme un masque d’ivoire, fragment d’une statue de l’époque hellénistique. Peu à peu, grâce à un système d’incrustation 3D, le visage se met à pleurer, quelques larmes d’abord, puis un véritable torrent qui vient noyer sa vitrine. L’œuvre évoque à la fois les fontaines romaines et les statues miraculeuses des églises italiennes. Mais au-delà, elle donne à voir la vie intérieure saisissante d’une image qui a traversé les siècles et porte en elle tout un imaginaire, celui que peuvent lui assigner les historiens et les scientifiques, celui aussi que peuvent lui offrir les artistes.

Jusqu'au 24 novembre. Château d'Assas, 11 rue des Barris, Le Vigan. Entrée libre. 04 99 64 26 62.

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