Arles : l'élégance d'Antoine Raspal au musée Réattu
Le musée Réattu d'Arles propose de se replonger dans l'oeuvre mal connue d'Antoine Raspal.
Son Atelier de couture est reproduit dans le monde entier, dans tous les livres consacrés à l’histoire de la mode et du costume. « C’est un peu la Joconde du musée d’Arles », s’amuse Clément Trouche, commissaire de l’exposition Antoine Raspal au musée Réattu, aux côtés d’Andy Neyrotti. Ensemble, ils voudraient faire sortir le peintre néoclassique de son isolement arlésien. L’idolâtrie dont il a été l’objet de la part des personnes qui s’intéressent aux costumes et aux traditions provençales n’a pas été propice à un intérêt des historiens de l’art. « Il est vite devenu un objet de curiosité et de fétichisme car il est très lié à l’identité arlésienne », expliquent les commissaires. Le couturier Christian Lacroix fait d’ailleurs partie de ses admirateurs, comme il l’avait montré lors de la carte blanche qui lui avait été confiée en 2008. Et pourtant, l’œuvre Antoine Raspal est pleinement intégrée à son époque, dépassant largement l’univers de la mode... Après une escale au printemps dernier au musée Jean-Honoré Fragonard de Grasse, l’exposition est présentée dans la ville de l’artiste, au musée Réattu qui se penche cette année sur l'histoire de ses collections avec également une exposition Jacques Réattu et des photos issues du dépôt des Rencontres de la photographie.
Antoine Raspal appartient à une famille d’artiste, son grand-oncle Jean Dedieu est sculpteur honoraire de Louis XIV et il est l’oncle de Jacques Réattu, prix de Rome dont la maison abrite aujourd’hui le musée d’Arles. Antoine Raspal est connu pour la délicatesse de ses portraits intimes, mais l’exposition offre un regard plus large sur l’œuvre de l’artiste.
Ancien élève du Montpelliérain Joseph Vien, il débute par des toiles dans le grand style académique, inspirées par le retour à l’Antiquité, comme en témoignent La Vestale ou Un sacrificateur. Dans les réserves du musée, ont également été mis au jour des tableaux religieux, notamment La Visitation, longtemps exposée à Saint-Trophime et commandée pour l’église des Oratoriens, aujourd’hui chapelle Sainte-Anne. Tous les petits détails qui font le charme de Raspal sont là, la rougeur des pommettes, les petits doigts potelés, l’incroyable travail sur les drapés, les qualités de coloriste. Elle montre aussi la place de l’artiste dans son époque. Antoine Raspal est un néoclassique, mais il vit et il peint un peu déconnecté de ce qui se passe à Paris. Du coup, l’artiste affiche une forme de fraîcheur, parfois une certaine naïveté par rapport aux académies du temps. Tout en étant, dans les années 1770-1790, le peintre le plus reconnu d’Arles.
En regard des toiles, les commissaires présentent des objets montrant l’ambiance arlésienne de l’époque, Croix de Malte détournées en bijoux, meubles, objets de décoration et bien sûr des vêtements. Car c’est la grande affaire d’Antoine Raspal. C’est dans la peinture des habits, des drapés, dans le rendu des étoffes et la précision des broderies qu’il excelle et manifestement qu’il prend son plaisir. À l’inverse des tableaux impressionnistes avec lesquels il faut prendre du recul, les tableaux de Raspal exigent qu’on s’approche pour découvrir la gourmandise et la minutie avec laquelle l’artiste s’intéresse aux dentelles, aux rubans, aux bijoux...
Grâce à de nombreux prêts, le musée rassemble une fascinante collection de portraits. Répondant à des commandes privées, il portraiture la noblesse, notamment une extravagante Madame de Privat, qui semble tout droit sortie du Marie-Antoinette de Sofia Coppola. Mais il se livre aussi à des portraits plus intimes, comme on le voit dans le touchant autoportrait Le peintre et sa famille où il se représente en compagnie de sa mère et de ses sœurs ou dans les portraits de jeunes femmes en costumes délicats. De nombreuses questions accompagnent ces tableaux, les mêmes visages reviennent à plusieurs reprises, or le coût d’une peinture était peu compatible avec la multiplication des commandes. Certaines pièces de costumes sont reprises d'un tableau à l’autre, portées par des personnes différentes. En fait, il ne s’agissait certainement pas de portraits privés, mais de tableaux destinés aux ateliers de couture, des affiches publicitaires avant la lettre, destinées à séduire les fashion victims arlésiennes du XVIIIe siècle.
Jusqu’au 7 janvier. Mardi au dimanche, 10 h-17 h. Musée Réattu, 10 rue du Grand-Prieuré, Arles. 8 €, 6 €. 04 90 49 37 58.