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Venise : le péplum archéologique de Damien Hirst


La star britannique Damien Hirst présente "Treasures from the wreck of the Unbelievable", un projet démesuré, chez son collectionneur François Pinault à Venise.

On peut penser ce qu'on veut de l'ego de Damien Hirst, de ses collectionneurs et de son compte en banque. Difficile de ne pas être impressionné par l'ampleur de son nouveau projet pour la fondation François Pinault à Venise. Avec Treasures from the wreck of the unbelievable, le Britannique déploie un délirant show artistique, un spectacle à l'ampleur inédite.

Damien Hirst imagine la découverte d'un bateau, The Unbelievable (L'Incroyable) qui a sombré au premier siècle après JC, les cales chargées des trésors amassés par un esclave affranchi Cif Amotan II (anagramme de I am a fiction). Les mots annoncent la couleur...

Dans ce gigantesque projet, tout est de bronze, de marbre, d'or, de cristal, de lapis-lazuli ou de malachite. Avec humour, il entrecroise les mythologies grecques, égyptiennes, améridiennes, asiatiques et hollywoodiennes. Ici une statue a les traits de Pharrell Williams, Kate Moss ou Rihanna, ailleurs une méduse évoque le Caravage et un cavalier affrontant un serpent prend la forme pyramidale et tragique du Laocoon. Dans ce spectacle, The Collector, Damien Hirst himself, tient la main de Mickey Mouse...

Pour aller au bout de son projet, Damien Hirst présente des vidéos et les photos des fouilles sous-marines qui ont permis de faire réapparaître de formidable trésor, couvert de coquillages et de coraux colorés. Une maquette du bateau, des documents archéologiques évoquent le naufrage et cette cargaison... Le spectacle est total, le récit absolument maîtrisé.

Damien Hirst, chouchou du collectionneur François Pinault en perte de vitesse sur le marché de l'art, a investi une dizaine d'années et 50 millions de livres dans la production de cette exposition qui occupe intégralement la pointe de la Douane et le Palazzo Grassi.

Cet artiste, que les amateurs d'art adorent détester, montre aussi qu'il a de la distance avec son travail. Au fil des textes qui accompagnent les oeuvres, il explique à la fois l'origine des statues et son travail. En regard de Dead Woman, corps allongé de marbre noir, quelques mots en disent long sur le projet et l'ironie de l'artiste, qui aime secouer les richissimes collectionneurs qui achètent ses oeuvres, lesquels aiment se faire gentiment secouer par leur protégé. « Cette oeuvre colossale est une copie de l'époque romaine d'une sculpture sépulcrale plus ancienne (Woman's Tomb), également retrouvée dans l'épave. Les collectionneurs d'art romain n'étaient pas particulièrement enclins à acquérir des oeuvres originales. Selon eux, exposer de multiples copies à côté d'une sculpture antique originale réhausser la valeur de la copie, admirée pour sa facture ».

« Le navire fit naufrage, reléguant son trésor au domaine du mythe et donnant naissance à une myriade d’interprétations de cette histoire faite d’ambition et d’avarice, de splendeur et d'hubris ». Quelle démesure pour évoquer la vanité d'un homme... Alors que penser de ce blockbuster ? On peut aimer la Nouvelle Vague et les superproductions d'Hollywood, la musique d'Arvo Part et le hard-rock. Peut-on aimer Robert Ryman, Giuseppe Penone et le monumental kitsch de Damien Hirst ? Son amitié pour les puissants n'a rien à voir avec la question du talent ; certains avant lui ont travaillé pour les papes ou les empereurs...

Damien Hirst pose en tout cas des questions pertinentes... Il suffit de se promener dans les palais vénitiens en écoutant les visiteurs pour constater qu'il atteint son but. Les touristes découvrent ces statues en se laissant prendre au piège, étourdis par la magnificence de ces trésors. Devant les bijoux étincelants, même les habitués s'interrogent en détaillant les cartels : verre, aluminium thermolaqués, silicone, éclairage Led, acier inoxydable, or, argent, bronze... Et non, ces vitrines ne contiennent pas des trésors qu'elles prétendent présenter. Ce sont des oeuvres de Damien Hirst ! Mais alors tout est faux ? Absolument pas. Tout est vrai, du vrai Damien Hirst. Un vrai génie pour certains, un vrai arnaqueur pour d'autres...

Jusqu'au 3 décembre. Fondation Pinault, Palazzo Grassi et Pointe de la Douane, Venise.

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