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Pierre Alechinsky, la peinture comme un pas de danse


Comme son pinceau volant sur le papier, les mots de Pierre Alechinsky sont précis et précieux. A l'occasion de la parution en 2006 de Peter et Pierre rassemblant les lithographies de Pierre Alechinsky réalisées avec Peter Bramsen, une exposition avait lieu à l'école des Beaux-arts de Nîmes. Revoici les notes prises à l'occasion de cette rencontre inoubliable...

L'exposition à Nîmes :

C'est amusant, chaque exposition a sa propre syntaxe. Une ribambelle d'images dans un certain ordre qui ne sera jamais le même. C'est chaque fois une autre phrase.

Pour moi, les lithographies sont des images très habituelles. Ma peinture est commun un manuscrit unique que je ne peux pas feuilleter. Avec les imprimés, c'est différent : je connais mieux mon oeuvre gravée (environ 1 800 numéros) que mon oeuvre peinte qui compte 4000 numéros

Sa technique :

Tout vient de mon pinceau d'Asie que je promène sur un papier marouflé. C'est le même pinceau qui me sert à tracer une litho sur pierre ou sur du papier transparent que j'insole sur une plaque de métal, le même qui me sert à étendre de l'essence de lavande sur une plaque de cuivre pour dégager dans le vernis le trait qui sera mordu par l'acide.

A 27 ans, je me suis rendu en Extrême-Orient en bateau. J'ai tourné un film sur la calligraphie, j'avais déjà un intérêt pour cette technique à l'époque de CoBrA. Avant de découvrir ce pinceau, j'ai essayé plusieurs pinceaux, des brosses en poil de porc...

Il y a la même différence entre un pinceau classique et le mien, qu'entre un chausson de danseur et un sabot. Il est fidèle à ma main, il permet le mouvement, il permet de jouer avec une trace dans le même temps de l'exécution.

La simplicité :

Dans mes premières lithos, j'utilise un minimum de moyen, un crayon gris. C'est important de montrer qu'il est possible de faire quelque chose avec un crayon et un morceau de papier, ne pas être grisé par l'ordinateur.

Le mouvement CoBrA :

C'était une bande d'amis qui s'entr'apprenaient. Nous avions des âges différents, venions de pays différents... C'est un période courte : 1948-1951.

Il y avait des liens d'amitié. Tout le monde ne se ressemblait pas. Asger Jorn était mon aîné de 14 ans. Aujourd'hui, il est mon cadet puisqu'il est mort à 60 ans, en 1973. C'est curieux ce chassé croisé dans le temps.

Maintenant :

Je suis occupé tous les jours, je dessine, je fabrique des livres... Je me lève à 6 heures du matin et je suis occupé toute la journée.

La place du livre :

J'ai beaucoup travaillé avec les écrivains, à la confrontation entre les mots et les images. Il faut éviter l'illustration, le pléonasme plastique. Il faut introduire le mot dans la peinture, mélanger des chose que nous n'aurions pas trouvé seul, ensemble nous sommes une troisième personne.

Construction des tableaux :

L'exagération d'un cadre souvent en noir et blanc, et un centre coloré, pour protéger l'image centrale du monde extérieur, parfois pour la commenter. Ces images marginales permettent de percer l'énigme des images centrales.

Le travail avec Peter Bramsen:

Notre collaboration remonte à 1963. Les premiers essais de lithos étaient très agréables, nous avons continuer dès qu'il a monté son imprimerie à Paris, reprenant Clot.

J'ai une formation d'imprimeur, je n'ai jamais osé me dire que j'allais peindre.

Quand on débute, ce travail est important, d'abord parce qu'il permet de sortir de la solitude de l'atelier qui n'est pas toujours tolérable quand on est jeune.

Le partage entre la peinture et l'écriture :

Je suis un ex-dernier de la classe, j'étais "un élève non réadmis", façon de dire que j'étais foutu à la porte.

Mon bac, c'est d'avoir été publié dans la NRF à l'époque de Paulhan.

Je souffre pour écrire. Quand on peint, on peut avoir l'illusion qu'on invente soi-même ses propres règles, qu'on est juge et partie, ce qui ne veut pas dire complaisant.

Si je ne reconnais pas une courbe où je me sens bien, la journée commence mal. Je dois passer dessus ce sentiment de désastre, ne pas me dire "aujourd'hui, ce n'est pas mon jour", ce qui fait abandonner 80 % des peintres.

Pour écrire, il y a des règles. Les mots sont des vieilles pantoufles. Il y a un semblant de fraîcheur dans la peinture.

Evolution vers plus de souplesse, de légéreté:

C'est l'avantage du grand âge. J'ai toujours admiré chez Matisse les dernières oeuvres. On commence avec un peinture de vieux et on finit jeune. Car quand on débute, on a l'expérience des vieux sur le dos.

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