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Le Vigan : Jérémy Damien revisite l'héritage minimal au château d'Assas


Jérémy Damien propose une vision personnelle de l'abstraction et du minimalisme avec l'exposition "Matière à motif" au Vigan, dans le Gard.

Il y a quelques années, il fallait absolument choisir son camp. Abstrait ou figuratif, minimaliste ou expressionniste. Les oppositions étaient radicales et les dialectiques irréductibles. Jérémy Damien appartient à une génération qui a digéré toutes ces batailles idéologiques. Au château d’Assas au Vigan, dans le Gard, il présente une série de toiles récentes, où il revisite à sa manière l’héritage du minimalisme. Jérémy Damien se l’approprie de façon très personnelle et refusant les oukases, les absolus, les grands discours, sans s’interdire ni les démarches radicales, ni le plaisir de peindre.

En France, depuis la fin des années 60, la place de la peinture est contestée dans l’art contemporain. Encore en cours, l’exposition Supports-Surfaces à Carré d’art, à Nîmes, revient sur cette histoire. Jérémy Damien interroge avec sa peinture toutes ces recherches. Nourri par les travaux de Jérôme Dupin, rencontré à l’école des Beaux-Arts de Toulon, il a choisi très tôt d’écarter la figuration, « par pudeur », pour travailler autour de la couleur, la transparence, la ligne, la masse.

Dans son laboratoire, il expérimente de façon physique la peinture, par des jeux de dilutions, des recherches de transparence. Cela passe par des recouvrements, des effacements, des traits où subsiste la trace de la main, un goût aussi pour le ludique, « pour le sérieux d’un enfant de 5 ans en train de jouer ».

Le vocabulaire musical revient souvent chez Jérémy Damien. Il travaille les rythmes, la lenteur, les silences, la composition à la recherche « d’une vibration liée à l’espace et à la couleur », dans des toiles à l’aspect contemplatif. Dans cette série "Matière à motif", il travaille quelques éléments, comme un musicien qui peut s’exprimer à l’infini toujours avec les mêmes notes de la gamme. Il se situe entre le travail sur la profondeur de Lucio Fontana, peintre de l’optique qui attaque physiquement la toile et la recherche d’Ellsworth Kelly, peintre de la vision, souvent réduit à son minimalisme et nourri pourtant par la pureté de l'art roman, par l’impressionnisme et Monet. On peut faire du neuf, sans faire table rase !

Les toiles de Jérémy Damien sont divisées la plupart du temps en quatre espaces, dans un jeu subtil d’équilibre autour de trois pratiques, les hachures, les aplats et les blancs. Certaines parties sont rayées de lignes diagonales tracées toujours en laissant subsister les touches du pinceau, la mémoire de la main toujours en lien avec la pratique du dessin que maintient Jérémy Damien. D’autres sont d’une seule couleur, mais sans être véritablement monochromes. À une époque, Jérémy Damien a poussé sa recherche en direction du monochrome. Mais « ce but absolu » ne l’a pas satisfait. Il préfère aujourd’hui d’autres sensations visuelles, plus spontanées, plus sensuelles. D’ailleurs, les couleurs de Jérémy Damien ne sont jamais pures, elles sont toujours travaillées avec beaucoup de soin et de délicatesse. Enfin, dans les toiles subsistent des portions blanches. Le peintre est impressionné par le travail avec les réserves des aquarelles Cézanne, la grande profondeur des zones non travaillées. Il s’est souvenu aussi récemment d’une toile bleue de Miró, vue à la fondation Maeght, peinte aux trois quarts. « Ce geste suspendu laissait apparaître les fondations d’une composition inachevée, une transparence dans la matière et le temps qui en devenait poétique dans sa faculté à révéler son inachèvement perpétuel », écrit l’artiste dans un texte présentant son exposition.

Sur certaines parties, Jérémy Damien laisse même subsister le carreau qui structure ses toiles comme il équilibre secrètement les tableaux des maîtres anciens, en disparaissant habituellement sous les motifs. Le quadrillage au crayon devient un dessin en soi dans cette réflexion autour de l’espace. « Derrière l’apparente simplicité des moyens mis en œuvre, poursuit l’artiste, se trouve l’intention de révéler la partition de l’espace dans une succession de gestes épurés, ludiques et se voulant précis. Parfois, il suffit de peu, et il faut s’y tenir, rester en suspension, ne pas remplir, c’est ça le travail, jouer avec les équilibres. »

Les toiles sous toutes Sans titre. « Ce sont des études, chaque tableau est une étude pour aller vers autre chose... » Laurent Puech, le directeur du Château d’Assas, livre en introduction à l’exposition quelques lignes du peintre Lee Ufan, des réflexions issues d’Un art de la rencontre, mots d'une justesse absolue : « Quand je pose une touche de pinceau sur la toile, un espace vibrant s’ouvre tout autour. A ce moment-là, commence la peinture ».

Jusqu’au 16 février. Château d’Assas, 11 rue des Barris, Le Vigan. Entrée libre. 04 99 64 26 62

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