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Arles : l'art de la vie simple à la fondation Van Gogh


Une variation autour de l'idéal de simplicité, mêlant art classique, moderne et contemporain à la fondation Van Gogh Arles.

Loin des académismes, Vincent Van Gogh voulait réinventer la peinture. Et cela ne passait pas seulement par une nouvelle façon de peindre, mais aussi par un nouveau regard sur le monde, délaissant les grandes scènes historiques et mythologiques pour s’intéresser à l’être humain. L’exposition “La vie simple - Simplement la vie : Songs of alienation”, que présente la fondation Van Gogh à Arles, travaille cet humanisme au cœur de l’œuvre de l’artiste néerlandais par une confrontation réjouissante et pleine de surprises. Aux côtés de L’Entrée dans la carrière, prêt annuel du musée d’Amsterdam, prennent place des œuvres d’art contemporain, des objets populaires, des pièces issues de la collection Yolande Clergue pour une variation stimulante pour l’œil et l’esprit.

Il y a quelques années, le musée accueillait un ensemble de dessins de Van Gogh. On y voyait le goût de l’artiste, fils de pasteur, pour les humbles, les paysans, les artisans, les travaux quotidiens, la vie des ateliers et des échoppes. Quand le peintre quitte Paris pour Arles, c’est pour se rapprocher de la nature et d’un mode de vie plus simple, plus pur, plus vrai. Il invite d’ailleurs son ami Gauguin à le rejoindre dans cette aventure. Une lettre au cœur de l’exposition évoque cette promesse qui tournera à la crise...

Cet idéal de simplicité est au cœur du travail de Jean-François Millet, peintre de L’Angelus et du monde paysan, un artiste que Van Gogh a beaucoup observé et admiré. L’exposition débute par une série de gravures de l’artiste, des scènes que tout le monde a en mémoire, rapidement diffusées grâce aux premiers procédés de reproduction de l’image. Certaines sont précieuses comme celles de chez Goupil, où ont travaillé pour les frères Van Gogh, d’autres prenaient place dans les premiers illustrés diffusés au XIXe siècle. La fondation présente aussi un ensemble d’objets achetés du Ebay, cartes postales, images populaires et autres kitscheries à bon marché, qui montrent comment, inconsciemment, dans nos esprits, les images de campagnes sont identifiées à celles peintes et gravées par Jean-François Millet.

Ce jeu entre les registres précieux et modeste se poursuit avec les œuvres de Juergen Teller. Photographe de mode, habitué à mettre en scène stars et mannequins, il présente un grand cliché où il s’allonge nu comme un ver sur le dos d’un âne. Avec la très belle série Irene im wald, il présente sa mère, dans les bois, près du village où il a grandi. Plus loin, il se moque du luxe en refaisant jouer à des enfants de photos de mode.

De nombreuses œuvres de la collection Yolande Clergue, embryon de la fondation actuelle, viennent épouser le propos. Un très beau chariot de Christo, une photo de Kirk Douglas sur le tournage de La vie passionnée de Vincent van Gogh de Minelli par Lucien Clergue, une nature vivante d’Henri Cartier-Bresson... Autant d’œuvres réalisées en regard de celles de Van Gogh et qui dialoguent avec le goût de l’artiste pour une forme de modestie, comme les anciens santons prêtés par le Museon Arlaten, toujours en chantier, montrant les petits métiers qui animaient les rues provençales à l’époque de Van Gogh, la marchande de fougasse, la laitière ou le rémouleur...

Cette simplicité passe aussi par un regard vers l’intime. La peintre russe Sanya Kantarovski peint des scènes quotidiennes, sur des grandes toiles aux couleurs délicates. Le regard d’un enfant, avec sa famille au lit, est particulièrement troublant. Dans ses grandes xylographies, technique de gravure ancienne et assez rudimentaire, Andrea Büttner, finaliste du dernier Turner Prize, joue avec des motifs simples et récurrents, notamment une silhouette prosternée de mendiant.

Le regard sur la nature et ceux qui vivent en communion avec elle, rejoint cet idéal de vie simple. La Marocaine Yto Barrada photographie une variété d’iris en voie de disparition, l’une des fleurs de Van Gogh, mais aussi des plantes sauvages qui luttent contre le béton. Le rêve, hérité à la fois de Thoreau ou des communautés hippies, d’une vie au grand air est le sujet d'Oscar Tuazon. Il a grandi en famille dans une maison bâtie dans les bois par des parents souhaitant construire une existence alternative. Le sculpteur évoque cette histoire avec un abri, à l’intérieur duquel il installe des revues évoquant ces utopies seventies... Mais comme dans Into the wild, le rêve peut aboutir au cauchemar. Plus loin, il plante dans les salons bourgeois du musée une toile de tente sans ouverture, lançant une réflexion sur notre manière de vivre, avec une architecture précaire à la fois absurde et évoquant le fonctionnel.

Le plasticien Pawel Althamer plante un jardin dans le patio de la fondation. Jouant avec les codes de représentation de la nature, il crée un monde qui n’existe pas, mélangeant espèces locales et allusions au passé communiste.

Le film de Jonathas de Andrade est l’un des sommets de l’exposition. L’artiste brésilien crée des œuvres où s’entremêlent la fiction et le documentaire. Dans O Peixe, il invente un rituel des pêcheurs amazoniens qui capturent des poissons, puis semblent les câliner en attendant leur dernier souffle.

Dans cette simplicité, certains artistes se passent de la toile et du tableau. Sur les murs même du musée, ils viennent promener leurs pinceaux de façon très différente. Le Roumain Dan Perjovschi intervient avec des mots et des croquis, comme des graffitis décalés. Nicolas Party saisit le regard avec ses formes pures et stylisées, ses couleurs franches et son goût de l’ornementation. Pour l’exposition, il présente notamment des fleurs et des portraits de fleuristes qui évoquent le regard de Van Gogh, son goût pour le japonisme, son sens de la composition.

Face au dépouillement, la vidéo de David Claerbout apparaît comme un contrepoint, convoquant l’humour dans la variation. Avec son film The Pure Necessity, il s’empare du Livre de la jungle de Disney, oubliant toute narration. Les animaux passent leur temps à bâiller, à se traîner, fatigués, les paupières lourdes. Ils vivent au ralenti, assommés de torpeur, certainement plus proches de la réalité de la vie sauvage que des rêves hollywoodiens. Pas de blagues, pas de cascades, pas de poursuites, pas de chansons... Il en faut peu pour être heureux !

Jusqu'au 2 avril. Mardi au dimanche, 11 h-18 h. Visites commentées à 11 h 30 et 15 h. Fondation Van Gogh, 35 ter rue Docteur-Fanton, Arles. 9 €, 7 €, 4 €, gratuit - 12 ans, billet famille 15 €, visite guidée 2 €. 04 90 93 08 08.

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