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Avignon : Djamel Tatah, le minimalisme et le dessin classique à la Collection Lambert


A Avignon, la Collection Lambert à Avignon présente un ensemble de toiles récentes de Djamel Tatah dans un dialogue saisissant avec des monochromes et des dessins anciens.

Dès le premier regard, la confrontation semble évidente. D’ailleurs, ce n’est plus une confrontation, mais de douces rencontres, des promenades complices. Depuis des années, Djamel Tatah mène une œuvre d’une remarquable cohérence. Sur des fonds monochromes, il peint des figures silencieuses, des personnages dans une position d’attente, carnations pâles et regards dans le vague. La Collection Lambert à Avignon présente les œuvres du peintre dans un double dialogue, avec les peintures minimales de la collection d’une part, avec des dessins classiques d’autre part.

La peinture de Djamel Tatah, que le musée avait déjà accueilli en 2013 à l’occasion de son exposition sur l’Orient, se situe à la croisée de ces chemins, à la fois figurative et minimale, jamais naturaliste et toujours en prise avec la réalité du monde. Les toiles sont accrochées très bas, les pieds des personnages sont coupés, les figures flottent comme le regard devant cet univers hors du temps, insaisissable. Un diaporama montre les images que Djamel Tatah prélève au jour le jour, sources d’inspiration cachées sous des images jamais affirmatives venues de l’actualité ou de l’histoire de l’art. Car l’art très personnel de Djamel Tatah est nourri de multiples influences, sous-jacentes.

Le monde dont s’inspire l’artiste est pourtant bien-là, les migrants qui traversent les frontières, le regard pointé vers un ailleurs qu’ils ignorent, ceux qui voient s’effondrer les ruines antiques de Palmyre. Dans une spectaculaire série, il peint les “hittistes”, ces jeunes Algériens désœuvrés qui tiennent le mur, en attendant que le temps passe. Les marcheurs se croisent sans se regarder, isolés, perdus. Que fait cette jeune femme allongée ? Dort-elle sur un trottoir ou sur un sofa ? Toutes les toiles sont sans titre, infinies variations chaque fois différentes autour de l’inquiétude, de la solitude, de la mélancolie.

Dans une présentation pleine de sensibilité, les œuvres de l’artiste côtoient celles d’artistes qui l’ont précédé, de façon apparemment très différente, en réalité de façon évidente. Djamel Tatah se situe au carrefour de plusieurs traditions. Un petit tableau de Corneille de Lyon est comme annonciateur... Le peintre hollandais du XVIe siècle faisait des portraits de bourgeois et de nobles de l’époque, sur des fonds de couleurs.

Au fil de l’accrochage, comme des respirations, des invitations à prendre de la distance, des murmures, des clins d’œil, des œuvres de la Collection Lambert montrent l’importance de l’art minimal, de la peinture monochrome dans l’art de Djamel Tatah. Comme Robert Barry, Barnett Newman ou Brice Marden, l’artiste travaille ses couleurs, subtils mélanges entre teintes fanées et intenses, qui imprègnent la rétine sans l’agresser, qui laissent la liberté à l’œil de poursuivre l’expérience, qui permet à l’invisible de surgir sous le visible. Les interrogations devant les toiles de Djamel Tatah résonnent d’un écho particulier face au léger décalage dans les géométries de Robert Mangold. Richard Serra avec ses pastels noirs ou Robert Ryman avec ses peintures blanches montrent deux autres absolus, mais toujours pleins de délicatesse. Dans un étrange portrait d’Yvon Lambert, Cy Twombly trace d’une ligne la silhouette du galeriste. L’intelligence de l’accrochage suggère une mélodie nocturne entre les toiles...

Mais le dialogue est plus riche encore. Djamel Tatah enseigne à l’école des Beaux-arts de Paris qui a prêté une sublime série de dessins classiques, présentés à côté de pièces de cette Collection Lambert dont la richesse semble décidément insondable. Et le dessin est fondamental dans l’art de Djamel Tatah. Une ligne de blanc, très fine, subsiste dans chaque toile pour donner corps à ses images. Un autoportrait de Matisse au trait pur et évident, le drapé éblouissant d’une sanguine d’Andrea del Sarto, un dessin sur la vif de Delacroix, les poses dramatiques de Nicolas Poussin, les corps architecturés de Fernand Léger, mais aussi des dessins de Watteau, Géricault, Carpeaux, Puvis de Chavannes... Ce petit ensemble de trésors tisse une série de correspondances, de relations poétiques réjouissantes. « Mon expérience de la peinture, explique l’artiste, tente d’être une expérience du partage. Une vision qui en rencontre une autre. C’est peut-être cela la grâce de l’art : réussir à faire quelque chose qui est accessible à quelqu’un d’autre ».

Jusqu'au 20 mai. Mardi au dimanche, 11 h-18 h. Collection Lambert, 5 rue Violette, Avignon. 10 €, 8 €, 2 € - 11 ans, gratuit - 6 ans. 04 90 16 56 20.

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