Chez Dalí et Gala à Cadaqués, de l'autre côté du miroir
Dominique de Gasquet fait revivre de façon très vivante le couple Gala et Salvador Dalí à Cadaqués dans un livre paru chez Robert Laffont.
En 1979, Dominique de Gasquet frappe à la porte de Gala et Salvador Dalí à la maison de Port Lligat, à Cadaqués, se faisant passer pour une cartomancienne. Drôles de débuts pour une rencontre... Mais le couple lui ouvre sa porte et Gala se montre curieuse. La première séance n'est pas vraiment concluante. « Même si je n'avais jamais interprété les cartes, je m'étais lancée pour ne pas perdre la face. Inspirée par les belles images, j'avais improvisé. Lorsque j'eus terminé, la Señora (...) m'avait regardé intensément. Ses yeux semblaient lire au-dedans de moi et elle avait estimé : "C'est pas mal du tout, depuis quand faite-vous ça ?" Je n'avais pas hésité une seconde et lui avais honnêtement avoué : "Madame, c'est la première fois." Ma sincérité lui avait sans doute plus car elle m'avait aussitôt proposé de m'apprendre à tirer les carte en faisant un petit séjour chez elle, dans son château de Púbol ».
Elle a 26 ans, Gala plus de 80... Mais les deux femmes deviennent amies, parlant d'amour, d'art et de tarot de Marseille. Surtout, Dominique de Gasquet sympathise avec Paquita, la femme d’Arturo, jardinier, chauffeur et homme à tout faire de Salvador Dalí, qui a passé sa vie aux côtés du maître. Ensemble, Paquita et Arturo ont accompagné l'artiste jusqu'à ses derniers jours, quand après la disparition de Gala, puis un incendie au château de Púbol, le peintre s'était réfugié dans l'appartement au-dessus du musée de Figueras où il désormais est enterré.
Presque 40 ans plus tard, Dominique de Gasquet remonte le fil de cette histoire singulière avec Gala et Dalí, de l’autre côté du miroir chez Robert-Laffont. A Cadaqués, elle décrit le magnétisme de cette terre et recueille les souvenirs de Paquita Llorens Vergés et des personnes qui ont fréquenté le couple mythique au quotidien. Ceux qui ont travaillé pour eux, ceux qui ont posé chez lui, ceux qui ont fait la fête avec eux. Faune curieuse de modestes Catalans et de hippies à patte d'éléphant venus profiter du soleil de Cadaqués. Tous racontent un couple loin des excentricités et des mises en scène, attentif aux plaisirs simples et aux personnes qui vivent à leurs côtés. Une vie avant tout rythmée par les moments de création de Salvador Dalí, préservé dans un environnement tranquille et propice au travail et à l'imagination.
Très attachant, le personnage de Paquita est au cœur du récit. Et c'est autant à elle que rend hommage Dominique de Gasquet qu'à Dalí et Gala. Le récit savoureux fourmille de moments intimes et d’anecdotes surréalistes, d'une fête avec Manitas de Plata saupoudrée de plumes sentant encore le poulet à l’hallucinant transfert nocturne du cadavre de Gala au château de Púbol pour qu’elle y soit enterrée, en passant par les caprices du peintre pour qu'une couturière retouche en urgence une robe de Gala avant l'arrivée d'une équipe de télévision. Et même la recette de la crème catalane qu'affectionnaient tant Dalí et Gala, transmise par les cuisinières du couple : « Un litre de lait à bouillir avec un bâton de cannelle et un zeste de citron. A l'ébullition, ajouter trois jeunes d'oeufs, trois cuillerées d'amidon de maïs et six cuillerées de sucre roux. Mélanger le tout et le battre au mixeur. Puis incorporer délicatement les blancs montés en neige. Enfin, faire caraméliser le sucre et l'appliquer avec un fer à brûler rond, de la taille du ramequin. Servir le dessert tiède ». Et déguster en pensant au soleil surréaliste de Cadaqués.
"Gala et Dalí de l'autre côté du miroir. A Cadaqués, sur les traces d'un couple mythique", de Dominique de Gasquet et Paquita Llorens Vergés. Editions Robert Laffont. 272 pages. 20 €.