top of page

Marseille : les voyages imaginaires de Picasso à la Vieille Charité


Dans le cadre de Picasso Méditerranée, une évocation de l'ailleurs dans l'oeuvre du peintre à découvrir à la Vieille Charité à Marseille.

L'oeuvre de Picasso est tellement dense, tellement protéiforme, tellement riche qu'on peut l'explorer en tous sens. La preuve avec la magnifique exposition que lui consacre la Vieille Charité à Marseille dans le cadre de Picasso Méditerranée. Picasso ne voyageait pas. Et alors ? Voici les voyages imaginaires de Picasso. Et ça marche... Décollage immédiat !

Si Picasso a parcouru le monde, c'est surtout à travers les cartes postales que lui envoyaient ses amis Jean Cocteau au Lucien Clergue, qu'il conservait et dont la présentation ponctuent de façon intime ce parcours éblouissant mêlant les peintures du maître à des oeuvres du musée d'Arts africains, océaniens, amérindiens de Marseille.

Le premier voyage de Picasso, c'est le grand départ fondateur. Au début du XXe siècle, il quitte son Espagne natale pour Paris. C'est la période bleue, les vaches maigres, le Bateau lavoir et la disparition de Casagemas. Il grave un repas frugal que se partagent deux corps décharnés, appuyés l'un contre l'autre devant la même assiette. Mais c'est aussi la découverte du cirque qui vient apporter un peu de gaieté paradoxale, notamment avec la sculpture du Fou. Car le jeune Picasso, ogre et génie, fait déjà son miel de tout ce qui se présente...

Rapidement, il découvre chez Derain un masque Fang du Gabon. Le choc des arts nègres va marquer l'art moderne, Picasso au premier chef. D'autant qu'il redécouvre parallèlement, lors d'un voyage à Gosol, avec Fernande, une vierge romane à style primitif. A la manière de Gauguin, il sculpte un portrait de sa compagne puis se lance dans une série de recherches qui aboutiront aux Demoiselles d'Avignon, avec ses femmes aux visages de masques africains. L'exposition présente une étude pour le fameux tableau, mais aussi le virtuose Trois figures sous un arbre dans le même style.

Pour Picasso, l'arrivée en Provence, nouveau soleil, nouvelle chaleur, nouvelle lumière, est un nouveau voyage. En 1912, il se rend à Sorgues, en Vaucluse, avec sa maîtresse Eva Gouel, bientôt rejoints par l'ami Braque. Les deux artistes entament une période prolifique et foisonnante. Picasso peint Ma jolie à même le mur de la villa Les clochettes qu'ils ont louée, composition cubiste heureusement déposée à leur départ. Quand ils ont quitté les lieux, les propriétaires n'y ont vu que du vandalisme... Durant ce séjour dans le midi, les amis se rendent à Marseille, port colonial ouvert sur le monde, où Picasso achète un masque Krou de Côte d'Ivoire, dont la stylisation géométrique se retrouve ans les sculptures d'assemblage cubiste.

En deux salles seulement, le ravissement est incroyable. L'exposition montre immédiatement la boulimie de Picasso qui d'emblée dévore tout ce qu'il trouve pour en faire une oeuvre personnelle et sans cesse remise en question. En seulement dix ans, il révolutionne définitivement l'art et se métamorphose en permanence, à la fois fidèle à lui-même et sans cesse tourné vers l'ailleurs.

Dans les années 20, mariée à Olga, danseuse des Ballets russes rencontrée lors d'une virée en Italie, Picasso voyage dans le temps. De la Méditerranée, l'artiste revisite l'héritage antique, peint sa compagne comme une déesse sculpturale. Les évocations mythologiques se modifient avec la rencontre de Marie-Thérèse et Picasso se transforme en minotaure...

Mais l'Afrique fantôme continue à infuser dans la création du XXe siècle. Dans les années 30, Picasso visite notamment le musée du Trocadéro et les objets collectés lors de la mission Dakar Djibouti, documentée par Michel Leiris. Les échos sont multiples dans l'art de Picasso, dans sa peinture comme dans sa sculpture.

Les femmes se succèdent, en même temps que les périodes scandant la carrière de Picasso. La vie avec Dora Maar est aussi la période de la guerre d'Espagne et Picasso n'est plus un voyageur, mais un exilé qui voit son pays se déchirer en même temps que sa relation passionnelle et destructrice avec la femme qui pleure. Après la guerre, Picasso rencontre Françoise Gilot et renoue avec la Méditerranée avec des oeuvres radieuses. Il peint des natures mortes d'oursins, de seiches et de poulpes, revisite une nouvelle fois les thèmes antiques, notamment dans ses céramiques.

Les voyages imaginaires de l'exposition s'achève avec l'Orient, voyage dans l'espace bien sûr au moment où la France se débat avec la situation algérienne, mais aussi dans le temps pour un dialogue avec Delacroix. La Vieille Charité accueille plusieurs variations sublimes autour des Femmes d'Alger. Entre turqueries et influences égyptiennes, il fait poser Jacqueline, sa dernière compagne, pour des oeuvres pleines de fantasmes où Picasso retrouve aussi son Andalousie, jadis terre de rencontre avec l'Orient. Un voyage comme un retour aux origines...

L'exposition s'accompagne d'un second volet au Mucem autour des costumes réalisés pour les Ballets russes. Article à suivre...

Jusqu'au 24 juin. Mardi au dimanche, 10 h-18 h. Centre de la Vieille Charité, 2 rue Charité, Marseille. 12 €, 8 €. Billet jumelé avec Mucem 15 €. Gratuit 1er dimanche du mois.

 FOLLOW THE ARTIFACT: 
  • Facebook B&W
  • Twitter B&W
  • Instagram B&W
 RECENT POSTS: 
bottom of page