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Montpellier : Crash test, l'art et la matière à La Panacée


Avec "Crash test" présentée à la Panacée à Montpellier, Nicolas Bourriaud explore la création contemporaine à l'heure de la révolution moléculaire.

Les premières expositions proposées par Nicolas Bourriaud à La Panacée à Montpellier avaient laissé plusieurs fois les amateurs d'art sur leur faim, notamment l'an dernier lors de la très prometteuse évocation de David Lynch, intéressante certes, mais pas vraiment à la hauteur de son ambition... Avec "Crash test", le commissaire, nouveau patron de l'art contemporain à Montpellier qui pilote le projet MoCo, investit l'ensemble des espaces du centre d'art pour une exposition manifeste, riche en émotions et en interrogations, une exposition pleine de surprises et de découvertes. Cette présentation aérée est le premier atout de l'exposition qui prend le temps de déployer son propos, de creuser son sillon intellectuel et esthétique. Nicolas Bourriaud a sélectionné uniquement des jeunes artistes qu'il situe dans un art de l'anthropocène, cette nouvelle ère géologique où la terre est marquée par l'empreinte humaine, où les différences entre la nature et la culture tendent à s'effacer.

Tous les artistes abordent le monde à travers la matière où s'hybrident le minéral, le végétal et l'animal, et donc le vivant et l'artificiel. Dans ce nouveau rapport à la vie et à l'environnement, ils s'intègrent dans l'univers qui les entourent pour l'absorber, le contester, le détourner... « Cette exposition rassemble une génération d'artistes, explique le commissaire, qui travaillent le réel à son niveau moléculaire, en organisant des connexions entre la réalité physique/chimique et les cultures humaines. Ils/Elles décrivent le monde actuel (ses sociétés, ses cultures) à partir des matières (brutes ou synthétiques) qui le composent, et non plus à partir des données purement sociales, ni même humaine (...). Sans revendiquer la posture du scientifique, ces artistes se livrent à des investigations sur les particules qui composent l'univers physique, les composés chimiques, les alliages synthétiques. »

Le titre "Crash test" évoque ces essais qui permettent de tester la résistance physique de la matière. Mais ces tests ne disent rien de ses possibilités plastiques et poétiques. C'est justement ce que creusent les artistes réunis à La Panacée, en même temps qu'ils livrent un regard sur l'évolution de la planète. Il peut être difficile au départ de s'orienter dans cette présentation foisonnante. Heureusement, un passionnant livret de visite dévoile ce qui se cache, l'invisible derrière le visible. A chaque créateur, Nicolas Bourriaud pose simplement deux questions : Pouvez-vous nous parler du rapport que vous entretenez avec la matière ? Quel sens lui donnez vous dans votre travail ?

Impossible de présenter chaque projet et d'ailleurs ce serait dommage... Quelques plasticiens retiendront l'attention, en fonction des sensibilités de chacun, mais aussi en fonction des questionnements qui les animent face aux évolutions du monde contemporain. Alisa Baremboym mélange l'organique et le synthétique pour créer des oeuvres à la forme intrigante, représentations des glandes créatrices d'hormones et donc productrices d'effets qu'elles ne montrent pas de prime abord. Ivana Basic travaille aussi autour du corps humain pour en explorer la beauté violente, mais aussi la souffrance et la répulsion.

Les monochromes d'Enzo Mianes sont réalisés à partir d'os incinérés. Pamela Rosenkranz met directement son corps à l'épreuve avec ses peintures performances réalisées en se gavant de Viagra. Daiga Grantina scrute le corps dans sa décomposition, mélangeant tissus, silicone et résine pour des sculptures à vif, des évocations saignantes de la chair.

Parfois l'oeuvre est en cours d'évolution, sans que le regard, prisonnier d'un autre espace temporel, ne voit vraiment le secret en cours. Le sel attaque la matière dans les sculptures de Bianca Bondi et de mystérieux vers de cire rongent les images puisées sur internet par Aude Pariset.

Logiquement, l'environnement préoccupe les plasticiens. Dora Budor explore les limites du réel avec ses archéologies contemporaines, Johannes Buttner construit une esthétique brinquebalante de la précarité technologique. Alice Channer invite à s'enfoncer dans son désert de plastique. Les pièces de Sam Lewitt (sélectionné récemment pour l'exposition internationale de la Biennale de Venise) recyclent des déchets pour une recherche autour de l'énergie. L'Américain Jared Madere est sans doute le plus direct avec son installation composée d'éléments naturels desséchés au fil de l'exposition, d'une évocation de la grande architecture gothique avec ce slogan "All human resources shared equaly now".

Deux oeuvres étonnent en même temps qu'elles intriguent. La Polonaise Agnieska Kurant a fait produire à des insectes des termitières aux couleurs pop. A regarder les yeux pétillants en songeant à l'oeuvre au noir de Roger Hiorns, aperçue peu de temps avant. L'artiste a pulvérisé un moteur à réaction pour le réduire à son état moléculaire. Tu es poussière et tu retourneras à la poussière...

Jusqu'au 6 mai. Du mercredi au samedi de 12 h à 20 h. Dimanche de 10 h à 18 h. La Panacée, 14, rue de l'école de pharmacie, Montpellier. Entrée libre. 04 34 88 79 79.

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