Le Vigan : l'art du jeu et de la précision d'Alain Leonesi au château d'Assas
Une exposition réjouissante de sculptures d'Alain Leonesi au château d'Assas, au Vigan dans le Gard.
Slam Tilt, le titre de l’exposition qu’Alain Leonesi présente à l'institut d'art du château d’Assas au Vigan, dans le Gard vient du flipper. Si la machine est trop secouée, elle s’arrête et le joueur perd la partie, c’est le slam tilt. Comme le flipper, l’art d’Alain Leonesi relève du jeu, de la précision et des limites. Et l’accrochage joue sur l’idée de rebond, de relance, de dynamique invitant à le regard à virevolter de façon réjouissante entre des pièces pleines d’humour et dans un constant jeu entre compression et expansion, équilibre et déséquilibre, détail et vision panoramique.
Au-dessus d’une sculpture évoquant par sa forme le flipper, Alain Leonesi a installé les deux lettres BR. BR comme bricolage, bruit, braconnier... « Mon atelier me sert de magasin », s’amuse Alain Leonesi pour qui le monde entier est un univers où se servir. Il récolte, il collecte, il picore des morceaux d’un monde en ruines, des objets déclassés, il les amasse non pour les recycler, mais pour les « réemployer. » Il aime « ces faïences de second choix qui finissent sous un pot dans les jardins », ces verres brisés qui lui mettent de côté ses amis. La démarche n’est pas vraiment écolo, même si Alain Leonesi sait que « nous ne sommes que des voyageurs sur un véhicule spatial qui s’appelle la Terre, des passagers ». Le sens est plutôt à rechercher du côté des vanités classiques qui convoquent les cinq sens pour rappeler l’homme à sa condition mortelle. Alain Leonesi est « soucieux de cette piqûre de rappel, mais avec modestie ».
Avec ses « sculptures d’intérieur », il évoque l’héritage classique. Jouant avec le décor du château et des salles de réception qui accueille les expositions, Alain Leonesi dialogue avec « le génie des lieux », les cheminées, les miroirs, les boiseries, jusqu’à la lumière extérieure qui pénètre par les grandes fenêtres, mais qui se perçoit aussi à travers les œuvres que le regard peut traverser. Ses sculptures prennent la forme de dressoir, ces anciens meubles servant à exposer la vaisselle d'apparat, de consoles ou de surtouts de table, ces décorations posées au centre des tables de banquet.
Dans un joyeux bric-à-brac ironique et précaire, Alain Leonesi mélange des pièces très denses où par un jeu de ligatures, il enserre des morceaux, créant des sculptures qui n’hésitent pas à citer les arts populaires et décoratifs. Ici, une plume de paon évoque le dieu Mercure présent dans les moulures du château. Là, des brisures de verre rappellent que l’art peut être tranchant... Qui s’y frotte s’y pique !
Avec des cornières d’étagère achetées dans des magasins de bricolage, Alain Leonesi confectionne ensuite des grandes pièces évoquant le mobilier, se jetant dans une esthétique de l’éclatement, de l’envahissement, de l'éparpillement... S’y mélangent des bouchons en plastique, des morceaux de vaisselle cassée ou découpée, des kitscheries en tout genre, des clins d’œil aux trophées de chasse, aux histoires racontées par les porcelaines de grands-mères ou au ball trap avec des « assiettes garanties pur plastique ». Même la poussière produite par les découpes est récupérée. Dans un geste ultime, elle se retrouve au coin d’une sculpture dans un alignement d’entonnoir en bouteilles d’eau minérale. Souviens-toi que tu es né poussière et que tu redeviendras poussière...
Le geste paraît léger, presque farceur, mais avec cet ensemble plein de drôlerie, il évoque aussi les expériences plastiques de Supports/Surfaces, la légèreté de Calder ou de Barry Flanagan, le goût pour l’objet quotidien des Nouveaux Réalistes et des artistes pop, la déflagration de Marcel Duchamp... Il interroge des notions qui traversent toute l’histoire de la sculpture, la verticalité, l’équilibre, l’importance du geste manuel, les contrastes et les juxtapositions de matériaux. Parfois, on peut aussi penser à ces petits bricolages automatiques que chacun confectionne sans y penser, ces œuvres poétiques et sans préciosité qui révèlent « le sculpteur insoupçonné qui sommeille en chacun de nous ».
Jusqu’au 15 juin. Lundi au vendredi, 10 h 30-12 h et 14 h-17 h. Château d’Assas, 11 rue des Barris, Le Vigan. Entrée libre. 04 99 64 26 62.