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Sauve : la poésie inquiète de Sadek Lamri à la galerie Larnoline


Sadek Lamri, artiste d'origine algérienne, dévoile une série bouleversante de dessins autour des tourments de la planète à la galerie Larnoline à Sauve, dans le Gard.

« Un jour, j’aimerais bien essayer de faire des dessins gais, avec de la douceur. Peut-être que quelque chose serait réglé dans ce monde », confie Sadek Lamri. L’artiste a quitté l’Algérie il y a trois ans pour venir s’installer en France. Il présente une bouleversante série de dessins à la galerie Larnoline à Sauve, aux portes des Cévennes dans le Gard, introduite par une phrase choc : « L’art est une lutte contre la barbarie et l’artiste est un soldat de première ligne. »

A quoi pense ce jeune artiste dans un autoportrait face au port d’Alger, représenté en miniature ? « Comme tous les Algériens, on se sent dans une maquette. C’est un pays immense et partout c’est pareil, c’est le même système. C’est triste, tout le monde veut partir », poursuit Sadek Lamri, qui a vécu la décennie noire des attentats, puis le retour apathique à la paix. L’art de Sadek Lamri exprime les désillusions de sa génération. Dans un dessin aux gris soyeux, avec un sens aigu du détail et des contrastes, un jeu profond entre l'ombre et la lumière, il crée un monde surréaliste mais exprimant les soubresauts contemporains de son pays bien sûr, mais aussi de toute la planète.

Un Petit Poucet évoque les enfants soldats des guerres africaines, il essaie de planter des graines d’espoir mais elles se transforment en poudre dans une douille. D’autres enfants poussent des brouettes, transportant des nuages blancs « pour des pays couverts de nuages noirs ». Enfance volée... Fin de l’innocence...

Les représentations du monde de Sadek Lamri ne sont jamais expressionnistes. La violence y est toujours contenue. Mais avec poésie, ses dessins évoquent les meurtrissures qui traversent les frontières avec les migrants, avec tous les migrants. L’artiste n’est pas dans l’affirmation, il s’empare des mythologies et laisse la place à l’imaginaire. Un Atlas, masque à gaz, porte la terre sur son dos pour la remettre à son créateur. Evoquant La Création d’Adam, peinte par Michel-Ange sur la voûte de la chapelle Sixtine, il imagine le huitième jour, « un autre monde, où est né le mal qui essaie de détruire ce monde ».

Pour la première fois, Sadek Lamri présente une installation. Dans un cage, une prison, il pose un dessin parcouru par des escargots, « comme des humains dans une coquille fragile, ils se déplacent en laissant une trace. » Au-dessus, flottent des oiseaux de malheur, en grillage noir. Dans Le Joueur du flûte, il s’empare d’une scène de guerre en Syrie à côté de laquelle le dieu Pan joue de la flûte pour y attirer les hommes. Le paysage de ville bombardée est vu à travers une fenêtre. « C’est la vision de quelqu’un qui n’est pas sur place, comme celle que nous pouvons avoir à travers les écrans. »

Mais Sadek Lamri, lui, sait ce qu’est la violence. La peur, héritée des années de plomb, « fait partie de ma vie. Elle est partie avec moi », explique l’artiste qui dessine avec délicatesse et exprime avec discrétion cette douleur, à fleur de peau, ce tabou qui mine l’Algérie contemporaine. « Les artistes parlent de la décennie noire à l’étranger, mais jamais en Algérie », explique-t-il.

Dans la série récente L’homme machine, il crée une ville futuriste à la manière du Métropolis de Fritz Lang. « Avec les dictatures, il y a deux possibilités. Soit tu acceptes leur monde et tu te tais, soit tu traverses la frontière et tu deviens une marionnette. Dans les deux cas, ils décident de ta position, de ta pensée, explique Sadek Lamri. Je préfèrerais vivre et exposer dans mon pays, auprès de ma famille et de mes amis. »

Dans ce monde en ruine, les traces antiques se mélangent aux usines, les hommes ont des cheminées à la place de la tête car « les idées partent en fumée » comme les passeports que les “harragas”, les clandestins font brûler avant de tenter de traverser la Méditerranée. Avec ses Serial Prophètes, il pose des hommes la tête couverte d’un sac comme les prisonniers avant un interrogatoire, en équilibre précaire sur une balance. Jusqu’à quand ? Pour représenter le pouvoir algérien, il pose simplement un réveil sur un fauteuil. Tic, tac, tic, tac... Espérons qu’il va bientôt sonner...

Jusqu’au 21 mai 2018. Du vendredi au dimanche, 11 h-13 h et 15 h-18 h. Galerie Larnoline, 2 rue de l’Évêché, Sauve. Entrée libre. 04 66 80 53 03.

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