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Nîmes : Picasso, Dominguin, l'art, l'amitié et les toros


Le musée des Cultures taurines à Nîmes évoque la relation personnelle et artistique entre le peintre Pablo Picasso et le matador Luis Miguel Dominguin.

Picasso, les toros et Nîmes, c’est une histoire de passion, d’art, d’hispanité mais aussi... d’amitié. Pour son exposition annuelle, le musée des Cultures taurines de Nîmes revient sur ce dernier aspect, plus intime de la relation du maître à la corrida en évoquant le compagnonnage artistique et familial avec le matador Luis Miguel Dominguin. La tauromachie n'est plus politiquement correcte... Dans les années 60, le matador faisait la une de Paris Match. Aujourd'hui, le cycle Picasso Méditerranée présente une quarantaine d'expositions en France et la corrida est quasiment absente de la programmation. Elle est pourtant essentielle dans la vie et l'oeuvre de Picasso. Heureusement, le musée nîmois, qui avait déjà consacré une exposition au peintre et à sa compagne Françoise Gilot en 2012, répare cette carence.

Dès les années 50, Picasso se lie d’amitié avec le matador Luis Miguel Dominguin. Pendant quinze ans, ils vont beaucoup se fréquenter, aux arènes bien sûr où le maître vient voir son ami toréer, mais aussi dans une sphère familiale, à l’abri des regards. L’exposition débute par l’évocation de cette rencontre, grâce à Jean Cocteau. Au départ, Picasso n’est pas particulièrement attiré, trouvant le matador un peu froid. Puis, il va se laisser séduire. Les photos de Lucien Clergue et d’Edward Quinn témoignent de cette relation triangulaire qui culmine au début des années 1960 par le tournage du Testament d’Orphée aux Baux-de-Provence.

Au centre de cette relation, le toro prend des formes multiples. Tout au long de sa carrière, depuis le fameux Petit Picador de 1889, Picasso se nourrit de la tauromachie, en abordant tous les aspects, historiques, politiques, artistiques, mythologiques, symboliques, érotiques.... Une petite gravure des années 1900, un fascinant dessin de 1923 préparatoire à La mort du torero, quelques céramiques des années 50 témoignent de cette passion, qui explose avec deux tableaux fantastiques, une Nature morte à la tête de taureau de la fin des années 1950 prêtée par le musée Picasso-Paris et un portrait de torero du début des années 1970, issue d’une collection particulière. A la fin de sa vie, Picasso signe des œuvres foisonnantes et libérées de toute convention, peintes à toute vitesse, avec une énergie, une fougue, une jeunesse explosives.

Chaque fois, Picasso, toujours attentif aux arts populaires, montrant particulièrement une curiosité pour le costume, dans ses peintures bien sûr, mais aussi pour s’amuser. Des photos le montrent, lui et ses proches, sa femme Jacqueline ou sa fille Maya, arborant l’habit de matador. A découvrir aux côtés d'un touchant petit costume d'enfant, porté par Dominguin dans les années 1930.

Durant toutes ces années, la relation avec Dominguin s’approfondit. Une abondante correspondance illustre cette relation. Par de nombreux télégrammes, le matador et sa femme l'actrice Lucia Bose tiennent Picasso au courant des triomphes qui s’enchaînent. Quand le torero et son épouse partent en Amérique du Sud, ils confient leurs enfants à la famille Picasso. A la villa La Californie à Cannes, les images d’Edward Quinn montrent l’artiste en patriarche, joyeusement entouré par les gamins. Il leur fabrique des chapeaux, peint leur chambre ou dessine un Taureau à quatre oreilles, après une histoire racontée par le petit Miguel, fils de Dominguin qui fera carrière sous le nom de Miguel Bosé. Lors d’un séjour, Edward Quinn saisit une extraordinaire série montrant le matador donnant une leçon de toreo de salon à Picasso, tenant dans ses mains une tête de taureau en osier.

Mais la relation déborde la sphère privée... C’est d’ailleurs deux acquisitions récentes du musée qui ont servi de point de départ à l’exposition. Quand Luis Miguel Dominguin revient en piste au début des années 1970, il se fait dessiner un costume par Picasso lui-même et défile dans les arènes de Barcelone ou d’Arles, vêtu d’un costume au style assez sobre, dans les tonalités vert anis.

L'exposition permet aussi d'évoquer une histoire méconnue, en tout cas oubliée. Au début des années 1960, Picasso dessine un projet de plaza de toros dont on découvre les plans. Proche de Franco, Dominguin intervient auprès des autorités espagnoles pour essayer de donner corps aux idées de son ami communiste. Le projet ne verra jamais le jour.

Beaucoup plus connue est l’histoire du Toros y toreros, probablement le plus beau livre de l’histoire consacré à la tauromachie dont le musée vient d’acheter un exemplaire de tête. Accompagnant un texte écrit par Dominguin, Picasso signe d’un trait débordant de couleurs une variation pleine de vie autour de la corrida. En plus de l’opus, l’exposition montre les dessins de Picasso qui jamais au fil de cette longue relation n’a fait le portrait de son ami. Mais il n’est pas interdit de reconnaître Dominguin dans les silhouettes longilignes qui peuplent ces scènes d’arènes éblouissantes...

Jusqu'au 23 septembre 2018. Mardi au dimanche, 10 h-18 h. Musée des Cultures taurines, 6 rue Alexandre-Ducros, Nîmes. 5 €, 3 €. 04 30 06 77 07.

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