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Nîmes : les couleurs intenses de Chabaud au musée des Beaux-arts


Une belle traversée de l'oeuvre d'Auguste Chabaud, fauve et insoumis, au musée des Beaux-arts de Nîmes.

Il est souvent identifié à la Provence. C’est pourtant à Nîmes qu’est né en 1882 le peintre Auguste Chabaud, que le musée des Beaux-arts met en avant avec une traversée passionnante de son œuvre, montrant à la fois ses innovations et sa puissance. L'exposition n'a pas l'ampleur de celle proposée par le musée Paul-Valéry à Sète en 2012, mais elle permet de redécouvrir des toiles rarement vues, prêtées par la famille du peintre.

Dès la fin du XIXe siècle, le jeune Chabaud reçoit l’enseignement de Pierre Grivolas à Avignon qui pousse ses jeunes élèves à sortir de l’atelier pour aller peindre sur le motif, tirant les leçons des peintres impressionnistes. Puis il débarque à Paris, suit les cours de l’académie Jullian, véritable creuset de l’art moderne où sont passés Van Gogh ou Matisse. La première salle de l’exposition est consacrée à ces premières années, les plus passionnantes de l'oeuvre de Chabaud, faisant le lien entre les innovations des fauves dans le traitement de la couleur et l’expressionnisme à naître, par un mélange de désenchantement et de cruauté. A Montmartre, quartier hors les murs où l’alcool et les hôtels sont bon marché, il peint des scènes de rue, les fiacres et les cochers, les palissades de chantier, la pauvreté d’un mendiant qui déambule devant des bourgeois indifférents, mais surtout les nuits parisiennes.

Auguste Chabaud est un noctambule, qui fréquente les cafés, les cabarets et les bordels, les filles du Moulin Rouge, les prostituées nues aux visages fardées, les joues blanches, les grands yeux noirs et les bouches rouge vif, notamment la belle Yvette dont il tombe amoureux. Parallèlement aux tableaux, il célèbre la jeune fille perdue dans des poèmes qui disent tout sa pureté, perdue dans ce monde de stupre.

La nuit, ce sont aussi les lumières électriques, ces nouveaux éclairages qui frappent les esprits des passants et les regards des peintres. Le réalisme est très fort, le traitement sans concession, les points de vue et les cadrages déjà singuliers. Pendant très longtemps, Chabaud a caché ces toiles aux regards, notamment ceux de sa mère, entassant les tableaux à l’étage de son atelier de Graveson où il a fini sa vie. Elles ne seront redécouverts que dans les années 1940 par le conservateur du musée d’Aix-en-Provence.

L’exposition se poursuit avec ses vues de Provence, qu’il peint dès la période fauve. Le musée accueille quelques toiles majeures, notamment Le troupeau sort après la pluie de 1902, montré en 1913 à l’Armory Show à New York, événement fondateur de l’art moderne où l’Amérique découvre les cubistes et l’abstraction.

Tout ce qui fait la puissance de Chabaud est présent dès ces années, une touche nerveuse, des cernes sombres, des couleurs franches, des compositions en aplat, une façon de saisir les gestes que l’on voit dès les premiers dessins sur les papiers épais que l'artiste désargenté va quémander au boucher du village.

De retour dans le Midi après la Première Guerre mondiale, il s’éloigne de la trépidante vie parisienne, contraint à sauver l’activité de l’exploitation agricole familiale. Il peint la vie au mas et des scènes provençales très sombres, quasiment en noir et blanc, juste rehaussées de quelques touches de couleurs, notamment le bleu de Prusse auquel il est identifié, couleur à la fois nocturne et éblouissante. Sa peinture est épaisse, les lumières crues, violentes, les chemins blancs déchirent le paysage sous les vibrations du ciel.

Il s’intéresse bien sûr à la corrida et surtout à la bouvine, avec un formidable Le Raseteur, course libre, croqué dans un cadrage photographique et rarement montré. Parfois, Chabaud revient à une manière plus travaillée, notamment dans le traitement des ombres portées ou des taches de soleil qui percent à travers les arbres. Certaines compositions de l’ermite de Graveson étonnent par leur sobriété, des vues plongeantes sur les villages, un incroyable Palais des papes cubiste ou des paysages réduits à quelques masses fascinants de modernité. Des toiles étonnantes de modernité et qui ont nourri les contemporains, comme en témoigne l'ultime toile de l'exposition, un hommage du peintre Claude Viallat à Auguste Chabaud qu'il avait découvert dans les années 50 lors d'une exposition à la galerie Jules-Salles qui a marqué Nîmes et les Nîmois.

Prolongée jusqu'au 4 novembre. Mardi au dimanche, 10 h-18 h. Musée des Beaux-arts, rue Cité-Foulc, Nîmes. 5 €, 3 €, gratuit premier dimanche du mois. 04 66 76 71 82.

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