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Sur la piste... A Rodez, un écrin d'acier pour Pierre Soulages


Visite à Rodez du musée consacré à Pierre Soulages qui présente un vaste panorama de son oeuvre.

Pierre Soulages est un colosse, l'auteur d'une oeuvre dont la puissance s'affirme au jour le jour. Le musée qui lui est consacré dans sa ville natale à Rodez, offre une vision panoramique d'une carrière incomparable. Mort en 2022, à l'âge de 102 ans, Pierre Soulages a participé dès les années 1940 à une tabula rasa dévastatrice, développant une abstraction radicale qui aboutira à la fin des années 1970 à la naissance des fameux outrenoirs.

La donation et les dépôts de Pierre et Colette Soulages, exposés à Rodez, permettent de traverser plus d'un demi-siècle de peinture. Selon l'artiste lui-même, le musée « met en évidence des processus de la création artistique, la part de l’inattendu dans la recherche et, sans pédagogie banale, espère ouvrir les yeux, éveiller l’esprit sur ce qu’est la création artistique en général. »

L'exposition permanente permet notamment de découvrir les oeuvres des premières années, rarement montrées dans les institutions françaises. Avant d'adopter définitivement le noir, Pierre Soulages livre des peintures affirmatives, imposant de façon mystérieuse un dessin relevant du signe. Sans le sou, l'artiste utilise le brou de noix, un matériau modeste observé chez les artisans, pour des peintures sur papier où la fragilité se conjugue avec l'intensité, où la pauvreté dialogue avec la noblesse.

Le geste est déjà au coeur du travail, avec un sens de l'équilibre des formes, un rythme palpitant. D'un trait noir et lyrique, il attaque la peinture par un versant aride et raide. Son art résonne de façon immédiate.

Le musée permet aussi de découvrir les cartons pour les vitraux de l'abbatiale Sainte-Foy de Conques et le travail au long cours qui a donné naissance à ce chef-d'oeuvre. Avec du scotch noir, il dessine les formes souples et douces qui dialoguent avec les courbes de l'église romane.

Dans les toiles des années 1960 et 1970, son approche de la peinture se fait de plus en plus intense. Les formats prennent de l'ampleur, les contrastes s'affirment.

Peu à peu, le noir prend toute de la place. Pierre Soulages le mélange au brun, au bleu, il recouvre, il racle, créant des oeuvres d'une profondeur incroyable. Peu à peu, il glisse vers le noir, couvrant ses toiles d'une matière épaisse, des surfaces nettes, opaques, brillantes, qu'il vient griffer, peigner, strier, écorcher, égratigner, toute une série de gestes qui vont réfléchir la lumière. Les outrenoirs du musée de Rodez ne sont pas aussi bien mis en valeur qu'au musée Fabre de Montpellier où la douceur de la lumière offre une variété de reflets encore plus vaste. Ils sont néanmoins fascinants, flottant dans l'espace, au milieu d'un environnement aux tonalités sombres.

L'artiste parle souvent de son art de façon très matérielle, il suffit de se promener dans le musée, d'observer les regards silencieux des visiteurs pour se rendre compte que l'aura qui émane de chaque toile dépasse largement, de façon magique, tout ce qu'on peut en dire. Pierre Soulages a été fasciné par l'art de la préhistoire, par le noir, le charbon de bois qu'utilisaient les premiers hommes, s'enfonçant au fond des cavernes, pour aller dessiner sur les parois de pierre. Devant l'art de Soulages, c'est l'éternité qui surgit, une forme de spiritualité qui traverse les époques.

Conçu par le cabinet catalan RCR Architectes, le bâtiment d'acier Corten du musée répond par son sobriété à la force tellurique de l'art de Soulages. Enchaînant des volumes parallélépipédiques, il s'insère dans le paysage sur un flanc du jardin du Foirail comme un trait d'union entre le centre historique et l'extérieur de la ville.

Récompensés par Pritzker Prize en 2017, le trio Rafael Aranda, Carme Pigem et Ramon Vilalta travaillent de façon très précise à l'insertion des bâtiments dans l'environnement. « La collaboration de ces trois architectes a donné naissance à une oeuvre poétique et sans compromis, intemporelle, qui reflète un grand respect envers le passé, tout en se projetant dans l'avenir », souligne l'un des membres du jury de Prtitzker.

« Le musée naît du parc, qu’il participe à restructurer, à ordonner, à révéler et à clarifier », expliquent les créateurs. Il se patine avec le temps, évoque le grès rose de la cathédrale voisine et des bâtisses du centre de Rodez, tout en se nuançant, à la manière des toiles de Soulages, au contact de la lumière.

Avril à juin, du mardi au dimanche, 11 h-19 h. Juillet, août, lundi, 14 h-19 h, mardi au dimanche, 10 h-19 h. Septembre, mardi au dimanche, 11 h-19 h. Octobre à mars, mardi au vendredi, 10 h-12 h et 14 h-18 h, samedi, dimanche : 11 h-18 h.

Musée Soulages, Jardin du Foirail, avenue Victor-Hugo, Rodez. Pass musées 11 €, 7 €, gratuit - 18 ans. 05 65 73 82 60.

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