Nîmes : Yves Reynier à la galerie Adoue de Nabias
Une exposition réjouissante d'Yves Reynier à la galerie Adoue de Nabias à Nîmes.
« En balade, j'accumule des images, des cartes postales, des livres, ça s'entasse chez moi. Je pioche dedans, parfois dans des choses que j'ai achetées il y a 10 ans », explique Yves Reynier, qui expose une série d'oeuvres à la galerie Adoue de Nabias à Nîmes, parcourant plusieurs périodes de son travail.
Comme Agnès Varda, Yves Reynier est un glaneur, il picore à travers le monde, un mémorialiste aussi à sa manière. Ensuite à partir de ses images puisées dans l'histoire de l'art, il présente une variation très personnelle, une relecture de l'image, l'insérant dans une composition qui vient dialoguer avec elle, parfois l'accompagner, parfois créer un contraste, un frottement de sens et interroger ainsi la citation, la culture de l'image et ce monde de la reproduction de masse. Il ajoute de la peinture, de l'aquarelle, il colle, il assemble, il bricole, il détourne pour donner naissance à des oeuvres où se multiplient les niveaux de lecture, célèbre les noces joyeuses de la carpe et du lapin. Comment les choses se développent ? « J'aimerais bien le savoir, s'amuse Yves Reynier. Il y a certainement un rapport avec l'inconscient. Je sais juste que ça me fait plaisir. »
Et le plaisir est communicatif... Plusieurs choses se conjuguent dans le charme singulier de ces pépites : l'humour, la modestie, la complicité. L'oeil reconnaît une oeuvre, s'interroge sur une autre, s'amuse d'une dialogue incongru, s'émerveille devant l'évidence plastique d'une correspondance, poursuit intellectuellement un dialogue à peine murmuré. Certains objets ont un sens caché, le mikado évoque les philosophies orientales et John Cage, les boutons, des « faits plastiques colorés » avant tout, évoquent la série des points du dernier Picabia, les ardoises et les planches de skate board renvoient à la jeunesse... Mais pour Yves Reynier, la démarche est avant tout matérielle. « Tout ce que je fais est très rudimentaire », dit-il, sans renier le mot de bricolage. Les objets reviennent comme les images ».
Une vieille toile abstraite peinte il y a plusieurs décennies resurgit et Yves Reynier la mélange à une reproduction de Puvis de Chavannes. Des amis lui donnent des peintures, Yves Reynier les découpe en petits morceaux pour des oeuvres en expansion. Dans ce musée imaginaire, le visiteur croise les grands maîtres italiens, des estampes d'Hiroshige vues récemment à Rome ou La Suppliante de Picasso, exposée en ce moment à Carré d'art. Pour l'artiste, chaque oeuvre est un souvenir personnel. Il les a toutes vues et les apprécie toutes, ne pourrait pas travailler à partir d'oeuvres qu'il n'estime pas. « Picasso, c'est toute mon enfance », explique, par exemple, Yves Reynier qui se souvient de l'enterrement de l'artiste à Vauvenargues et des drapeaux de la République espagnole qui flottaient dans les rues du village.
Comme pour ses objets, assemblages hétéroclites, madeleines de Proust et memento mori contemporains, ces oeuvres sont toujours de petits formats, ce qui malgré la simplicité leur donne une forme de préciosité étrange. « Un art de poche, intime et transportable », selon son ami Claude Viallat. « Ce sont comme des petits porte-bonheurs pour les gens. Chacune est faite pour perdurer un jour de plus, il n'y a pas de prétention, poursuit Yves Reynier, marqué par la génération Supports/Surfaces. « C'était comme un aquarium avec de l'eau dedans, comme tous les poissons, j'ai été imbibé. C'est ma vie, ce sont mes amis. »
Jusqu'au 8 janvier. Du mardi au samedi, 10 h-12 h et 15 h-19 h. Galerie Adoue de Nabias, 3 ter rue de la Violette, Nîmes. Entrée libre. 06 52 69 09 78.