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Marseille : Rodolphe Huguet et les visages d'un monde fracassé

Au Frac Paca à Marseille, le plasticien Rodolphe Huguet présente des oeuvres en céramique évoquant l'exil et les migrations, réalisées avec la tuilerie Monier.

Bon vent. Le titre de l'exposition que Rodolphe Huguet présente au Frac Paca à Marseille inspire la légèreté. C'est pourtant l'actualité, et sa part dramatique, qui traverse son projet. L'artiste se présente comme un nomade et dans les nombreux visages qu'il présente, c'est la figure de l'exilé qui surgit, de façon spectaculaire, par un curieux mélange de brutalité de la matière et de force du propos.

Lors d'un travail avec la tuilerie Monier, il s'est emparé de l'argile pour une série de visages. Il y a d'abord un plaisir évident de l'artiste à manipuler cette terre, une joie presque enfantine à transformer cette matière, à lui donner forme, à la métamorphoser. Ce simple objet banal prend une nouvelle dimension, personnelle, hors de toute ambition fonctionnelle, pour intervenir dans le champs du social et de l'histoire. Mais l'accumulation impressionnante, la frénésie, la boulimie avec laquelle s'empare de la céramique disent aussi l'incompréhension face au monde que Rodolphe Huguet met en scène.

Dispersées à travers le bâtiment, des valises, contenant parfois des couvertures, annoncent le choc de l'installation Episode méditerranéen. Accrochés à des cintres, comme les paniers ou les vêtements que les mineurs suspendaient dans les salles de pendus avant de descendre à la mine, les tuiles prennent la forme de visages, de masques peut-être africains, en tout cas venus d'ailleurs, d'hommes, de femmes qui ont traversé la Méditerranée, peut-être sur les esquifs qu'il fait flotter dans une fontaine, qui se sont accrochés aux grillages des frontières, y laissant la trace de leurs mains, de leurs doigts. Ils ont peut-être quitté ces étranges architectures anthropomorphes qu'il dispose sur la terrasse...

Ces visages fracassés ont le regard écarquillé et vide de ceux qui interrogent, le bouche ouverte même si aucun cri n'en sort. Ils sont cent soixante-quatorze, mais ils sont des centaines, ils sont des milliers. Ce sont les visages défigurés des exilés qui fuient la violence et la faim, les migrants qui traversent quotidiennement la Méditerranée ou plutôt qui tentent de la traverser. Car tous n'arrivent pas au bout du voyage...

Comme le disait Victor Hugo : « Combien ont disparu, dure et triste fortune ! / Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune / Sous l'aveugle océan à jamais enfouis ! » Les visages de Rodolphe Huguet sont-ils ceux des migrants qui sont parvenus au bout du chemin ? Ou ceux des morts que les garde-côtes repêchent quotidiennement ? Tout en retenue, l'artiste ne force pas l'émotion, il donne à voir, il témoigne d'un monde où les destins minuscules dessinent de grandes tragédies.

Jusqu'au 24 février 2019. Mardi au samedi, 12 h-19 h. Dimanche, 14 h-18 h. Frac Paca, 20 boulevard de Dunkerque, Marseille. 5 €, 2,50 €. 04 91 91 27 55.

L'artiste participe également à l'exposition collective Ceremony au palais de l'Archevêché à Arles jusqu'au 17 février. Le Centre d'art contemporain de Nîmes lui consacrera une exposition personnelle à partir du mois de juillet.

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