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Nîmes : Isabelle Rodriguez et les fantômes de l'ancien théâtre


Isabelle Rodriguez évoque l'incendie de l'ancien théâtre de Nîmes pour une variation très personnelle autour de la mémoire à Carré d'art.

C’est une histoire que tout le monde connaît à Nîmes, une histoire vraie devenue une légende. En 1952, Eva Closset met le feu au théâtre, face à la Maison Carrée. Ancienne étudiante aux Beaux-arts de Nîmes, Isabelle Rodriguez s’empare de cet événement pour une exposition très personnelle, “Se souvenir du bruit qu’a fait le lustre en tombant”, accrochée à la galerie Foster de Carré d’art, le bâtiment construit en lieu et place de l’ancien théâtre. Le très beau titre est inspiré directement par « les témoins de l’événement. Ils ont pris conscience que tout était fini quand le lustre est tombé. Son bruit a résonné dans tout le quartier et les éclats de cristal ont été projetés dans les rues alentour », explique Isabelle Rodriguez. L’artiste a voulu se servir de « cette idée que quelque chose est tombé, mais que cet ensemble de bris raconte une histoire, permet de recréer une fiction ».

Car la jeune plasticienne ne raconte pas l’ancien théâtre, elle s’empare de cette histoire pour une variation très personnelle, pleine de brouillard autour de la mémoire, de la disparition. En permanence, elle récolte des archives, vieilles photos et cartes postales qu’elle collectionne. Elle est fascinée par les ruines, les fantômes auxquels elle redonne vie par un mélange de texte et d’images, anciennes et contemporaines.

Au centre de l’exposition, Isabelle Rodriguez présente la maquette de la machinerie de l’ancien théâtre, prêtée par le musée du Vieux Nîmes. « C’est l’endroit d’où est parti le feu, derrière le rideau des "Pêcheurs de perles" », précise Isabelle Rodriguez, en rappelant que l'opéra de Bizet se termine par un incendie... Dans une proximité immédiate, elle déploie quelques images immédiatement liées à cette histoire, coupures de presse, photo d’Eva Closset lors de son procès ou une pampille du lustre ramassée à l’époque par une main voisine.

Puis de part et d’autre, elle s’éloigne… Dans l’un des textes qui parsème l’accrochage, elle donne quelques clés pour comprendre sa démarche, sa navigation entre la photo et l’écrit. « Ce sont toujours les images qui me mettent en écriture, toujours les images qui me font arriver au texte, à la volonté de texte. C’est la recherche d’images qui me met au travail […]. Scruter l’image permet à mes mots de venir, je peux descendre dans le texte, entrer dans le texte au fur et à mesure que mon regard se fait plus précautionneux. Souvent, après avoir écrit, après avoir reposé une dernière fois l’image sur la table, je réalise bien que l’attachement n’est plus le même qu’une distance est née. À l’exception de quelques rares photographies que j’ai besoin de garder près de moi, les images une fois écrites, je peux m’en séparer. » Adepte d’une « écriture qui se permet le virage », elle construit un univers flou, où la juxtaposition de petits éléments de réel crée un vaste trouble, un peu comme dans les romans de Patrick Modiano.

D’un côté de la maquette, Isabelle Rodriguez évoque les figures des tragédiennes, Sarah Bernhardt qui est venue jouer au théâtre de Nîmes, la gitane Carmen ou les grandes divas oubliées immortalisées sur les cartes à collectionner Félix Potin. De l’autre, elle prend la direction des ruines et de la destruction, avec d’autres images d’effondrement, d’autres théâtres incendiés, des fantômes, une bombe incendiaire. Et toujours des bribes de récit qui guident et égarent, qui utilisent des petits tas de poussière pour reconstruire un théâtre très personnel.

 

L'incendie du théâtre de Nîmes

Le 27 octobre 1952, se joue l'un des faits divers les plus marquants de l'histoire nîmoise. Eva Closset, qui se rêvait cantatrice mais avait dû se contenter d'une place de choriste, met le feu au théâtre de Nîmes pour venger son beau-fils, chanteur lyrique licencié la veille. Construit en 1803 dans un style néo-classique, avec une façade en colonnade faisant face à celles de la Maison Carrée, le théâtre à l'italienne pouvait accueillir 1 000 personnes. L'année suivante, l'incendiaire est condamnée à sept années de travaux forcés, une peine qu'elle n'effectuera que partiellement avant de retrouver sa Belgique natale.

Au lendemain du drame, il est question de reconstruire le théâtre. Finalement, le chantier n'aura jamais lieu et dans les années 80, Jean Bousquet, maire de Nîmes, décide de construire à la place Carré d'art, bibliothèque et musée d'art contemporain, bâtiment pensé par Norman Foster. Les anciennes colonnes du théâtre qui avaient survécu à l'incendie sont démontées et installées sur l'aire d'autoroute de Caissargues, sur l'A54, entre Nîmes et Arles.

 

Jusqu’au 19 mai 2019. Mardi au dimanche, 10 h-18 h. Galerie Foster, Carré d’art, Nîmes. Gratuit. 04 66 76 35 35.

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