Avignon : Francesco Vezzoli dialogue avec l'Antiquité à la Collection Lambert
L'artiste italien Francesco Vezzoli présente une série de pièces autour de l'Antiquité, en dialogue avec des oeuvres de Cy Twombly, Louise Lawler et Giulio Paolini à la Collection Lambert à Avignon.
Depuis longtemps, Francesco Vezzoli explore les mythologies contemporaines, avec comme les artistes de sa génération, aucune timidité. Avec l’exposition qu’il présente à la Collection Lambert à Avignon, l’Italien présente une série d’œuvres récentes autour de l’Antiquité, dans un dialogue subtil avec trois artistes du fonds, qui se sont également nourris de cet héritage.
Dans un accrochage à la sobriété silencieuse, les pièces montrent toute leur force et leur intelligence. Stéphane Ibars, commissaire de l'exposition, poursuit avec talent les présentations polyphoniques qui faisaient la touche d'Eric Mézil, invitant à regarder l'art contemporain dans un dialogue incessant avec sa propre histoire, mais aussi avec ses sources d'inspiration.
L’artiste achète en salle des ventes des statues antiques, qu’il transforme ensuite pour interroger cette iconographie. Jouant avec les frontières entre élitisme et culture populaire, il ramène du vivant dans l’art du passé pour le faire dialoguer avec le présent.
Dès la première salle, face à un Antinoüs du Ier siècle, il se représente, tête en marbre contemporain à la façon d’Hadrien, barbe naissante très mal vue dans l’Antiquité, entamant un dialogue avec son aîné. Autour, comme une ligne d’horizon, s’étalent les dessins de Cy Twombly inspirés par la Grèce et les paysages de la Méditerranée. Les niveaux de lecture s’accumulent avec poésie…
Dans ce jeu, Francesco Vezzoli pourrait facilement déraper… Il est toujours juste, même quand il s’agit d’attacher un sex-toy autour d’un gigantesque pénis de Priape ou de poser une fleur en plastique dans un vase grec.
Quand il peint des statues, ce n’est pas pour être blasphématoire. Il leur redonne les couleurs qu’elles pouvaient avoir à l’époque. Cela tranche avec les habitudes, mais le blanc marmoréen n’est pas la couleur de l’Antiquité, c’est la couleur du temps passé, de l’effacement et de la mort à l’œuvre… Alors il pose du vernis rouge sur un pied présenté face à un Achille de Twombly ou offre une nouvelle jeunesse à un Satyre regardant un dessin érotique de son aîné.
Dans une grande salle, un couple s’embrasse, elle un peu de rouge sur les lèvres, lui une larme sur la joue. Ils sont entourés par les évocations des dialogues de Platon. L’effet est saisissant… Dans la cour, pour la première fois ouverte au public, une Victoire prend pour tête une muse de Chirico en bronze, dont la forme pure et l’éclat évoque aussi Brancusi.
Le dialogue se poursuit avec Louise Lawler. Depuis des années, elle photographie des œuvres d’art, chez des collectionneurs, dans des musées, pendant les accrochages ou dans des réserves pour interroger la représentation de l’art et le poids des institutions culturelles. Au fil des années, elle a souvent photographié des statues antiques, par exemple chez Yvon Lambert. Au milieu de la salle, les statues de Vezzoli semblent regarder les œuvres au mur. Une femme prend les traits de Joan Crawford, une autre de Marlène Dietrich… La vision de Kim Kardashian est plus étonnante avec un visage étrange posé sur une Vénus préhistorique.
La conversation, toute en douceur et en élégance, s’achève avec Giulio Paolini, dont les collages poétiques sont comme de petits labyrinthes où les images de l’Antiquité se recomposent. La démarche rejoint celle de Francesco Vezzoli qui procède aussi par collage, pour créer des figures où les larmes reviennent régulièrement. L’exposition s’appelle d'ailleurs "Le lacrime dei poeti", c'est-à-dire "Les larmes des poètes". Mais sur quoi, pleurent-ils ? Sur leur sort ? Sur leur époque ou sur la nôtre ?
Jusqu’au 10 juin. Mardi au dimanche, 11 h-18 h. Collection Lambert, 5 rue Violette, Avignon. 10 €, 8 €, 2 € - 11 ans, gratuit - 6 ans. 04 90 16 56 20.