Nîmes : Jean Hugo, le porteur de paysages
Deux expositions sont consacrées à Jean Hugo cet été à Nîmes. Le musée des Beaux-arts s'intéresse à son art du paysage.
Pas facile d’exister quand on s’appelle Hugo ! Ce nom qui a lui seul, avec celui de Napoléon, résume un siècle d’histoire de France. Arrière-petit-fils de l'auteur des Misérables, Jean Hugo a choisi la modestie, un art du silence, parfois insaisissable. Il est à l’honneur cet été à Nîmes avec une double exposition, ses peintures au musée des Beaux-arts et ses livres à la médiathèque Carré d’art.
Le musée possède une toile de l’artiste un peu isolée dans les collections, La plantation d’une vigne, régulièrement prêtée pour des expositions. Pascal Trarieux, le conservateur, a voulu la mettre en perspective, en s’attachant notamment au travail de Jean Hugo autour du paysage.
Le parcours de Jean Hugo est aussi étrange que son art. Né en 1894, il fait partie de la classe 1914 et part à la guerre à 20 ans. Il évoque cette période fondatrice dans son livre de souvenirs Le Regard de la mémoire. « Il y va de façon très détachée et a déjà un regard très poétique, explique Pascal Trarieux. Il décrit de façon très personnelle les paysages, compare les militaires qui l’entourent aux tableaux d’art moderne. En très peu de mots, il a un grand sentiment des couleurs, les maisons bleues, les lignes rouges, la multiplicité des verts… ». Au front, il commence à dessiner, mais c’est dans les années 1920, qu’il débute vraiment en autodidacte bien entouré, en baignant dans le monde en ébullition de l’art moderne, fréquentant Valentine Gross qu’il épouse, Picasso, Cocteau, Satie… Il voyage sur la Côte d’Azur où il découvre un pays de carton-pâte qui l’influencera dans son art du décor. « Je peignis les villas de sucre rose, les hôtels de nougat blanc, les balustrades surmontées d’un vase bleu, les fausses grottes en ciment, les rochers de carton, le figuier en stuc, le pêcheur d’oursin sur la mer immobile et à l’ombre des palmiers en tôle, le mauve de Mme de F. Dans ce pays truqué, je faisais mon apprentissage de décorateur de théâtre », s’amuse-t-il des années plus tard. Puis au début des années 1930, vient s’installer au Mas de Fourques à Lunel, où il se tient à l’égard des mondanités mais pas de l’art de son temps. Jusqu’à la fin de sa vie, Jean Hugo mélange les styles, tout en restant immédiatement reconnaissable par une forme de pureté.
Souvent considéré comme naïf, Pascal Trarieux s’attache à montrer que l’œuvre de Jean Hugo est au contraire nourrie « par une grande culture de l’histoire de la peinture ». Ses encres de Chine par exemple dialoguent avec les grandes heures de la peinture chinoise, quand les lettrés du Xe au XIIe siècle s’emparent de la peinture en utilisant les moyens jusqu’ici destinés à la calligraphie de leurs poèmes. En trait ou au lavis, avec une grande habileté, Jean Hugo peint de petits paysages, jusqu’à un grand panorama de montagne dans les années 1970 où par la dilution de l’encre, il exploite toutes les valeurs de gris.
Jean Hugo travaille aussi beaucoup pour le théâtre, notamment pour un Phèdre mis en scène par Jean-Louis Barrault. Les maquettes montrent des jeux sur les perspectives outrées habituelles des fresques romaines du deuxième style pompéien, qui lui permettent de donner l’illusion d’un grand palais sur une petite scène. Il utilise aussi cette technique pour créer des environnements étranges, évoquant parfois les villes désertes et métaphysiques de Giorgio di Chirico.
Pour Jean Hugo, tout paysage est un décor et une nouvelle occasion d’explorer les possibilités de la peinture. Il montre son intérêt pour les volumes de la peinture cubiste, ose des contrastes et des chromatismes étonnants comme le rose et le jaune citron du grand tableau Soulagets, dialogue avec la peinture classique italienne avec des toiles surréelles d’inspiration religieuse comme Le Puits ou Le Mois de Marie. Il n’y a pas vraiment de périodes qui s’enchaînent dans l’art de Jean Hugo, mais des allers-retours incessants. La seule constante est un goût pour les petits formats, dans lesquels il excelle.
Dans le Midi, il s’adonne à une peinture lyrique et hédoniste, peignant la Petite Camargue ou les garrigues, collaborant avec le lithographe Constant Idoux… Et bien qu’à l’écart de la scène parisienne, Jean Hugo continue à collaborer avec l’avant-garde comme le montrent une étonnante série de maquettes de décors réalisés au début des années 1980 pour le ballet Daphnis et Alcimadure du chorégraphe Dominique Bagouet.
Jusqu'au 22 septembre. Mardi au dimanche, 10 h-18 h. Musée des Beaux-arts, rue Cité-Foulc, Nîmes. 5 €, 3 €. 04 66 76 71 82.