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Montpellier : les chemins de traverse de Vincent Bioulès au musée Fabre


Une vaste rétrospective du peintre Vincent Bioulès au musée Fabre à Montpellier.

Quel curieux parcours que celui de Vincent Bioulès ! Avec "Chemins de traverse", la remarquable rétrospective que lui consacre le musée Fabre à Montpellier, il est mis en perspective depuis les années Supports/Surfaces, terme dont il est l'inventeur, jusqu'aux grands paysages d'aujourd'hui.

Le Montpelliérain a toujours entretenu une relation particulière avec le musée Fabre, auquel il a consenti une importante donation déjà exposée sur place en 2011. Avec cette nouvelle présentation accrochée de façon élégante et aérée, l'institution célèbre un enfant du pays, réunissant 200 pièces depuis les années de formation à l'école des Beaux-arts sous la direction de Camille Descossy.

Dès le hall du musée, la spectaculaire série Je suis, tu es, vous êtes, ils sont montre toute l'originalité de l'art de Vincent Bioulès. En 1980, le peintre a déjà fait son retour à la figuration et présente grandeur nature, dans une série de portraits, ses compagnons de route. Ils sont tous là, Claude Viallat accoudé à un burladero, André-Pierre Arnal et ses papiers, Toni Grand sous la charpente de son atelier, Louis Cane, Daniel Dezeuze, Patrick Saytour, Bernard Pagès... Lui-même se présente de dos, une palette à la main, regardant une grande toile abstraite et de petites oeuvres figuratives. Quelle équipe ! Quelle époque !

La rétrospective s'ouvre sur les années d'apprentissage. Au départ, Vincent Bioulès est nettement marqué par l'héritage de la peinture française, Cézanne, Bonnard, Vuillard. L'heure est à la contestation, mais pour pouvoir divorcer, il faut d'abord épouser. Le départ pour Paris, le découverte de l'art informel et de Jean Fautrier ouvrent une brèche. La rencontre avec l'art américain et les toiles d'Ellsworth Kelly poursuivent cette ouverture. Cela donne naissance à une oeuvre décisive et fondatrice, Le Marronnier en fleur, en 1965.

L’heure est à un nouveau départ, il glisse aux lisières de l’abstraction avec le sublime Espace rose ou fenêtre à Saint-Tropez, Volley Ball ou le poétique Silence le figuier remue encore d'un petit mouvement élastique. Puis, il plonge dans la couleur pure avec le moment Supports/Surfaces. Les artistes ne sont plus dans la remise en question personnelle mais dans la contestation de l’ordre établi. Supports/Surfaces est une avant-garde. Malgré la pluralité des individualités, elle pose un nouveau regard sur ce qui a été fait, ce qui se fait et ce qu’il faut faire.

Un peu à l'écart, est évoquée l'expérience des artistes dans la rue en 1970, qui trouve un écho en ce moment dans les rues de Montpellier.

Avec le groupe ABC, Tjeerd Alkema, Alain Clément, Jean Azémard et Vincent Bioulès souhaitent faire sortir l'art des circuits institutionnels. En mai 1970, les quatre artistes réunissent 100 artistes dans cinq espaces du centre-ville de Montpellier. On trouve alors toute la jeune scène artistique, et pas seulement les artistes de Supports/Surfaces, de Christian Boltanski à Lourdes Castro, en passant par Henri Cueco, Noël Dolla, Sheila Hicks, Anselm Kiefer, Annette Messager, Jean-Pierre Pincemin, Claude Rutault, Sarkis, Antonio Seguí, Ben Vautier, Claude Viallat …

Le moment Supports/Surfaces est de courte durée, mais fait souffler une grand vent d'air frais sur toute la scène artistique. Pour Vincent Bioulès, ce n'est qu'une étape. Rapidement, il revient à la figuration, d'abord avec un intérêt pour la figure humaine. Autre sujet classique par excellence, le nu. En tant qu'enseignant, il fait travailler ses élèves d'après modèle vivant, tout en refusant toute forme d'académisme. Les corps sont présentés hors de tout contexte, dans un réalisme cru et provocant. Sa peinture reste toujours aussi radicale.

A la même époque, il se lance dans une série de places, envisagées comme des décors urbains. A partir de là, Vincent Bioulès bascule vers une recherche qui va faire de lui le plus grand paysagiste contemporain français. Ses vues de villes sont étranges, avec de grands aplats colorés, un mélange de dessin et de peinture, des perspectives curieuses faisant flotter les éléments de la ville dans des espaces poétiques.

Parallèlement, il cultive aussi un art intime, avec des scènes d'intérieur, un goût pour les lumières contradictoires. Des détails témoignent de son attachement à son parcours. Dans un tableau, il cite son marronnier. On voit aussi une toile de l'ami Viallat.

Ce regard intime passe aussi par une série de portraits, aux traits stylisés, évoquant parfois la bande dessinée. Les toiles sont toujours très solidement construites, jetant le sujet au regard du spectateur.

Peu à peu, les détails se multiplient dans sa peinture. Vincent Bioulès parvient à un équilibre impressionnant, avec des touches de couleurs qui ne sont absolument pas réalistes et pourtant un rendu quasi photographique dans la sensation.

Le parcours se termine par une vaste salle consacrée aux paysages, de grandes toiles baignées par une lumière zénithale bouleversante. Vincent Bioulès saisit le vertige de l'immensité. Le visiteur plonge dans la peinture, baigné par les mélanges de bleu et de rose à la surface des étangs, toutes les variations de vert de la végétation de la garrigue, la force minérale et tellurique de la roche du pic Saint-Loup ou des falaises méditerranéennes. Dans ces paysages, naturels ou urbains, il y a un dimension mythologique, une passion pour la Méditerranée des origines. Chaque touche est un éclat de couleur et de lumière dans l'oeil de l'artiste et dans l'oeil de celui qui regarde. Seul petit bémol dans cette présentation, il aurait pu y avoir plus de toiles du pic Saint-Loup, la Sainte-Victoire de Bioulès, ce paysage auquel il revient sans cesse et qui lui permet de remettre sans cesse son art en question.

Jusqu'au 6 octobre. Mardi au dimanche, 10 h-18 h. Musée Fabre, boulevard Bonne-Nouvelle, Esplanade, Montpellier. 10 €, 8 €. 04 67 14 83 00.

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