top of page

L'Isle-sur-la-Sorgue : un formidable bestiaire contemporain à la Villa Datris


Une formidable exposition collective autour de l'animal à la Villa Datris, magnifique fondation pour la sculpture contemporaine installée à L'Isle-sur-la-Sorgue, en Vaucluse.

Faire découvrir l'art contemporain à tous les publics. Il y a ceux qui disent et ceux qui font. La Villa Datris à L'Isle-sur-la-Sorgue, fondation pour la sculpture contemporaine, appartient à la deuxième catégorie avec chaque été des expositions formidables, exigeantes et accessibles. Cette année, l'institution propose une variation réjouissante autour du thème de l'animal. Comme d'habitude, tout est gratuit et l'affiche aligne des stars exposées dans les grandes foires et les biennales internationales.

Intitulée "Bêtes de scène", l'exposition traverse la création contemporaine et interroge le monde moderne, l'humanité et le rapport à la nature avec une sélection qui permet à la fois aux néophytes d'approcher l'art d'aujourd'hui de façon limpide et aux amateurs de découvrir des oeuvres ambitieuses ou en devenir.

Dès le départ, une salle autour des oiseaux réunit une lampe coq de Jean Tinguely, formidable bricolage de ferraille rouillée, de fils électriques et d'ampoules. A ses côtés, un Egg conceptuel de David Shrigley, une sublime petite poule en équilibre sur une pâte de César et un joyeux Yellow Bird de Corneille. Dans la confrontation entre les esthétiques, se joue une magnifique confrontation, maintenue tout au long de l'accrochage généreux qui rassemble 120 pièces, signées par 85 artistes.

Le monde marin est évoqué avec les poissons en céramique flottant d'Ugo Rondinone, une raie électrique de Laurent Grasso ou une Pieuvre archives de Bachelot et Caron, réalisée pour un projet in situ de la salle Labrousse de la Bibliothèque nationale de France. Même ambiance avec le cabinet de curiosité où se côtoient les animaux imaginaires en plumes de faisans de Kate MccGwire, les poissons à tête de mort de Johan Creten, une vanité de Philippe Pasqua ou une bibliothèque phosphorescente de Mark Dion qui réinvente l'esprit encyclopédiste avec un mélange d'humour et de rêverie.

Le thème de l'animal est propice aux oeuvres suscitant l'inquiétude et l'interrogation. Dans un coin veille une grenouille de Joana Vasconcelos, tandis qu'un chat d'Alain Séchas s'apprête à plonger, ridicule dans sa bouée en forme de cygne. Dans l'escalier, dorment les chauves-souris de Serena Carone, grimpent les escargots de Jean-François Fourtou tandis qu'une enseigne invite les araignées à s'installer.

Mais il est aussi propice à la sauvagerie, avec les lions du Sud-Africain Wim Botha, les trophées de chasse en caisses de munition de Dimitry Tsikalov. Il permet aussi d'évoquer les problématiques contemporaines, ce que fait Barthélémy Toguo, dénonçant le racisme avec son White Dog en référence à Romain Gary ou son Strange Fruit, citant Billie Holiday et les lynchages contre les noirs.

L'animal permet aussi d'entrer en contact avec les mythologies inspirées par la nature. La louve grimée de Katia Bourdarel séduit autant qu'elle effraie. Niki de Saint-Phalle peint un serpent sur un totem et Prune Nourry interroge la condition féminine avec ses créatures hybrides. Delphine Gigoux-Martin propose une relecture de la Mégère apprivoisée de Shakespeare avec une perruche se cabrant sous les assauts d'un oiseau noir sorti du film de Paul Grimaud et Kiki Smith réinterprète le mythe de la sirène avec son habituel vocabulaire symbolique.

La violonce à l'égard de la nature, de l'environnement et du monde animal est omniprésente, avec notamment un magnifique éléphant d'Andries Botha flottant, relié aux racines du ciel. Par un jeu de miroir étourdissant, Pascal Bernier évoque la barbarie de l'élevage industriel et toute son ampleur inhumaine. Est-ce irrémédiable ? Pour que n'arrive pas l'apocalypse à La fin du XXIe siècle promise par le duo Art Orienté Objet, peut-être faut-il une nouvelle fraternité comme celle que propose Dionisis Kavallieratos ? Ou bien faut-il laisser les fourmis déchiqueter et dévorer les billets de banque comme le montre une installation vidéo d'Ursula Palla ?

L'avenir en tout cas est grand ouvert... Antonio Gagliardi propose des habitats utopistes et collectifs pour les oiseaux, nettement plus séduisants que les néons en cage de Laurent Grasso. Cela pourrait permettre de se reconnecter avec les paysages rupestres de Samuel Rousseau qui redonne vie aux taureaux, chevaux et bisons peints par les hommes de Lascaux et de Chauvet.

La balade se poursuit dans le jardin avec au milieu de la végétation une Sentinelle de Françoise Pétrovitch, un cheval d'enfant qui pourrait bien être un cheval de Troie de Robert Combas, l'incontournable lièvre de Barry Flanagan, les paresseux dans les arbres d'Elodie Antoine, un oiseau futuriste de Xavier Veilhan, un éléphant multicolore en déchets plastiques de Bordalo II, un gorille en pièces de métal de Bamassi Traoré ou la géniale cabine téléphonique Allô la terre de Knud Victor qui permet de dialoguer avec les animaux.

Avec un accrochage fluide, jouant volontiers sur l'émerveillement, "Bêtes de scène" parvient à cerner de façon magistrale la relation entre les artistes contemporains et le monde animal, pour une exposition polyphonique et profonde, où se côtoient les fables et la science, l'imaginaire et la politique, l'extravagant et le modeste, tout ce qui fait le cycle de la vie, son charme, sa richesse et sa fragilité.

Jusqu'au 3 novembre. Juillet et août, mercredi au lundi, 10 h-13 h et 14 h-19 h. Septembre, octobre, novembre, mercredi au dimanche, 11 h-13 h et 14 h-18 h. Fondation Villa Datris pour la sculpture contemporaine, 7 avenue de Quatre-Otages, L'Isle-sur-la-Sorgue. Gratuit. 04 90 95 23 70.

 FOLLOW THE ARTIFACT: 
  • Facebook B&W
  • Twitter B&W
  • Instagram B&W
 RECENT POSTS: 
bottom of page