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Aix-en-Provence : la sublime collection Guggenheim à l'hôtel de Caumont


Cézanne, Picasso, Van Gogh, Gauguin ou Renoir... Visite de l'étourdissante collection Tannhauser, léguée au Guggenheim, dont la tournée européenne fait escale à l'hôtel de Caumont, d'Aix-en-Provence.

Le titre de l'exposition est clair : "Chefs-d'oeuvre du Guggenheim"... On se saurait mieux dire, tant les trésors réunis par le musée new-yorkais sont étourdissants. Mais au-delà de sa beauté, l'exposition raconte en plus une histoire extraordinaire, celle de la fondation Salomon Guggenheim et plus particulièrement de la collection Tannhauser.

Comme d'habitude avec le centre d'art aixois, la présentation est parfaite : accrochage aéré, éclairage millimétré, verres antireflets invisibles, textes de salle simples et précis. L'exposition, présentée en Provence après Bilbao cet hiver, se découvre avec un charme et un confort du regard admirables.

Dans les années 1900, Heinrich Tannhauser (1859-1935) et son fils Justin (1892-1975) ont été parmi les mécènes les plus importants pour la diffusion de l'art de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Tout en constituant une incroyable collection, ils organisent des expositions dans leurs galeries de Munich, Lucerne, Berlin ou Paris, mais aussi à New-York où Justin s'installe dans les années 1940, fuyant l'Europe nazie. Une partie de ses tableaux a disparu lors d'un raid aérien en Allemagne et son appartement parisien a été pillé. A son arrivée en Amérique, il n'ouvre pas de nouvelle galerie, mais la maison où il s'installe sur la 67e rue devient un lieu de rencontres où se croisent Leonard Bernstein, Alberto Toscanini, Marcel Duchamp, Louise Bourgeois, Henri Cartier-Bresson mais aussi Salomon R. Guggenheim ou sa nièce Peggy.

Sans successeur, Justin décide de donner sa collection à la fondation Guggenheim, créée par le philanthrope et collectionneur en 1937. Parallèlement à l'abstraction qui brille dans le fonds new-yorkais, le musée s'enrichit d'une quarantaine d'oeuvres impressionnistes, post-impressionnistes et modernes, dont quatre Cézanne qui ouvrent l'exposition aux côtés d'Homme aux bras croisés, déjà présent dans la collection, portrait sombre et mélancolique qui montre la façon dont l'artiste digère l'héritage impressionniste tout en annonçant les recherches cubistes.

Grâce au goût des Tannhauser, voici également une sublime vue des carrières de Bibémus, avec son jeu de volumes, de rythmes, des touches rapides, de retour à Aix pour la première fois, mais aussi un paysage plus apaisé aux environs du Jas de Bouffan ou une Assiette de pêches, belle nature morte où il brise les conventions pour présenter une nouvelle vision du monde.

Les Tannhauser lèguent également Femme en robe à rayures, l'un des derniers tableaux d'Edouard Manet ou une femme Devant la glace, tableau tout en suggestion d'une femme s'habillant ou se déshabillant devant son miroir, de dos, en corset, dévoilant sensuellement ses épaules. Des bronzes de Degas ou de Maillol, La Femme à la perruche, élégante courtisane de Renoir, complètent la présentation.

Visionnaires, les Tannhauser ont beaucoup oeuvré à la reconnaissance de Paul Gauguin, avec notamment une grande rétrospective à Berlin en 1928. Avec Haere Mai, peint lors de son séjour polynésien, il brosse sur une toile épaisse un fantastique paysage aux couleurs sauvages.

Justin, curieux de toutes les audaces, a aussi exposé Van Gogh, notamment le bouleversant Montagnes à Saint-Rémy, peint lors de son séjour psychiatrique à Saint-Paul-de-Mausole, dans un style mouvementé, tourmenté, tourbillonnant, urgent. Egalement aux cimaises, une vue d'Asnières de son séjour parisien ou l'étonnant paysage arlésien sous la neige qu'il découvre en février 1888 quand il débarque dans le Midi à la recherche de la lumière du Sud.

Toute la vitalité de la scène artistique du début du XXe siècle est présente avec un portrait de Mistinguett par Picabia, un paysage fauve de la grise Anvers par Georges Braque. Parallèlement, l'abstraction redéfinissait les codes de la modernité. Salomon Guggenheim s'intéresse particulièrement au Cavalier bleu, avec la fameuse Vache jaune de Franz Marc aux combinaisons chromatiques explosives ou La Montagne bleue de Kandinsky, très soutenu par la fondation qui en possède 150 !

Dans la collection Tannhauser, un artiste tient une place particulière avec une série d'oeuvres éblouissantes, c'est bien sûr Pablo Picasso avec des toiles traversant toute sa carrière. Dans Le Moulin de Galette, peint en 1900, alors qu'il visite Paris à l'occasion de l'Exposition universelle, le jeune peintre qui n'a pas 20 ans, immortalise une scène de bal, fasciné par la légèreté et le luxe décadent de la capitale, influencé par le style de Lautrec. De la même époque, datent un Quatorze-Juillet libre et festif, les dessins d'un Picador ou d'une scène de café à Madrid.

Suivent notamment un paysage cubiste de l'époque de Céret, un jardin à Vallauris, des natures mortes, un couple de pigeons aux ailes déployées et des portraits des femmes de sa vie : Fernande à la mantille dans une variation quasiment monochrome, une Olga sculpturale de la période ingresque ou Marie-Thérèse, silhouette souple et sensuellement ensommeillée.

Parmi les oeuvres, une toile se distingue en éclairant la relation particulière qui unissait le peintre et le marchand. En 1965, quand Justin épouse en secondes noces Hilde, Picasso leur offre et dédicace Le Homard et le Chat, une toile pleine de virtuosité, d'humour et de double sens.

Jusqu'au 29 septembre. Tous les jours, 11 h 30-19 h. Hôtel de Caumont, 3, rue Joseph-Cabassol, Aix-en-Provence. De 9,50 € à 14 €, gratuit - 7 ans. 04 42 20 70 01.

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