Montpellier : Bonjour Monsieur Courbet au musée Fabre

Passionnante exposition autour de l'histoire et de la portée du tableau La Rencontre de Gustave Courbet, au musée Fabre à Montpellier.

On a du mal à imaginer aujourd'hui le scandale suscité en 1854 par le tableau La Rencontre de Gustave Courbet. A l'occasion des 200 ans de la naissance du peintre, le musée Fabre à Montpellier revisite l'histoire et l'héritage de ce tableau, l'une des icônes de ses collections, avec une exposition s'adressant à l'intelligence du regard.

La toile représente la rencontre entre l'artiste et son mécène montpelliérain Alfred Bruyas au printemps 1854, sur un chemin de garrigue. Le collectionneur est accompagné de son serviteur Calas et de son chien Breton et salue Courbet. La scène semble banale, anodine et c'est bien ce qui va bousculer le public, jusqu'à la caricature. Rapidement, le tableau est surnommé ironiquement Bonjour, Monsieur Courbet.

Présentée pour la première fois aux regards lors de l'Exposition universelle de 1855 où elle est acceptée de justesse, l'oeuvre est acceptée de justesse. Pourtant, à bien des égards, elle paraît aujourd'hui manifeste du naturalisme recherché par Courbet. Un naturalisme longtemps incompris et qui séduit justement Bruyas, l'un des rares à remarquer la singularité de l'artiste qui ne s'y trompe pas. « Devrais-je parcourir le monde entier, je suis sûr de trouver des hommes qui me comprendront ; n'en trouverais-je que cinq ou six, ils me sauveront, ils me feront vivre. J'ai raison - j'ai raison ! Je vous ai rencontré. C'était inévitable, car ce n'est pas nous qui nous sommes rencontrés, ce sont nos solutions », écrit Courbet à son collectionneur, qui avait déjà acheté Les Baigneuses au peintre. Dans cette grande toile, Courbet regarde les corps avec le même réalisme. Sa femme plantureuse n'a pas les formes d'une Diane ou d'une Aphrodite et quand elle marche pieds nus dans la terre, elle se salit les talons...

L'exposition commence par présenter le contexte de création de cette Rencontre. Outre un portrait de Bruyas et un autoportrait de Courbet, la présentation explore les sources d'inspiration du tableau. De nombreuses lectures sont possibles. La figure du marcheur évoque l'iconographie du pèlerin, impossible de ne pas évoquer saint Roch à Montpellier. En 1967, l'historienne de l'art Linda Nochlin propose une autre hypothèse : la scène pourrait s'inspirer de l'iconographie du juif errant.

La présentation se poursuit avec l'héritage du peintre et de nombreux regards contemporains sur ce classique. Le tableau a beaucoup voyagé, prêté régulièrement pour des expositions à travers le monde et a été vu un peu partout, de Paris à New York.

Yan Pei-Ming s'est souvent inspiré de grands classiques pour ses recherches. Dans un spectaculaire triptyque, produit spécialement pour l'événement, il se représente entre les portraits du peintre et de son collectionneur. A partir de reproduction de photos de Courbet et de Bruyas, il se place au centre d'une Impossible rencontre.

Grand admirateur de l'art de Courbet, l'artiste lui rend également hommage en ce moment avec une exposition en dialogue au musée du Petit Palais à Paris. Le corps-à-corps met face à face une quinzaine de toiles de l'artiste contemporain, certaines peintes dans l'atelier d'Ornans, face à une dizaine d'oeuvres de son aîné, issues des collections du musée parisien.

Mais le maître du réalisme a aussi nourri François Morellet qui réduit la composition à son minimum avec trois monochromes blancs retravaillant la géométrie du tableau, pour une Défiguration minimale.

Alain Jacquet, célèbre pour son remake du Déjeuner sur l'herbe, présente la rencontre dans le système solaire. Poursuivant l'interrogation de Courbet sur l'image, il transforme les personnages en formes étranges, chacune associée à une planète. Ainsi Calas devient Saturne ; Bruyas, Neptune ; le chien, Mars ; et Gustave Courbet, le réaliste, la Terre sur laquelle il conserve les pieds, prêt à sortir son pinceau.

Filip Francis brosse à grands traits une reproduction en s'intéressant d'abord au centre de la composition, en l’occurrence le chien puis élargit le regard vers la périphérie avec liberté.

Noël Dolla, l'un des aventuriers de Supports/Surfaces, s'intéresse au révolutionnaire, à celui qui a fait tomber la colonne de la place Vendôme et voulait à travers sa peinture oeuvrer à l'émergence d'un monde nouveau, plus juste et plus solidaire.

Agnès Thurnauer détourne l'image de Courbet dans le tableau pour l'un de ses palindromes où elle fait dialoguer les oeuvres, les artistes et les époques, en l'équipant d'un bâton coloré d'André Cadere.

Matts Leiderstam revisite le motif de la rencontre de façon très personnelle en s'intéressant aux rendez-vous nocturnes d'homosexuels sur une aire d'autoroute près de Montpellier.

L'exposition est aussi l'occasion de découvrir une toile de Robert de Niro Sr, le père de l'acteur, peu montré dans les musées français. Ou de retrouver l'installation en led sur tissu Fortune (Gustave Courbet, La Rencontre, 1954) d'Ei Arakawa déjà montrée l'été dernier. Travaillant de façon poétique la lumière, il mélange le passé, le présent et le futur pour se frayer un chemin à travers l'héritage des grands maîtres.

Dans les salles voisines, il est indispensable de poursuivre la visite par les autres chefs-d'oeuvre de Courbet conservés au musée Fabre, notamment Le Bord de la mer à Palavas, peint la même année que La Rencontre en 1854 et Le Pont d'Ambrussum, de 1857.

Jusqu'au 19 janvier 2020. Mardi au dimanche, 10 h-18 h. Musée Fabre, boulevard Bonne-Nouvelle, esplanade, Montpellier. De 5,50 € à 8 €. 04 67 14 83 00.

#Courbet #AlfredBruyas #MuséeFabre #Montpellier #ExpositionUniverselle #NewYork #LindaNochlin #YanPeiMing #FrançoisMorellet #AlainJacquet #FilipFrancis #NoëlDolla #SupportsSurfaces #AgnèsThurnauer #AndréCadere #MattsLeiderstam #RobertdeNiro #EiArakawa #PalavaslesFlots #Paris #PetitPalaisParis #Ornans