Nîmes : rétrospective Albert André aux archives départementales du Gard
Une vaste rétrospective de l'oeuvre post-impressionniste d'Albert André, ami intime d'Auguste Renoir, à découvrir aux Archives départementales du Gard à Nîmes.
Qui se cache derrière le nom d’Albert André ? Un peintre qui n’est sans doute pas reconnu à sa juste valeur, comme le montre la vaste rétrospective présentée en ce moment aux Archives départementales du Gard à Nîmes, grâce aux œuvres des musées de Pont-Saint-Esprit et Bagnols-sur-Cèze, mais aussi du musée d’Orsay ou des héritiers de Paul Durand-Ruel, le marchand des impressionnistes qui lui consacra une quarantaine d’expositions en France et dans le monde.
Natif de Lyon, Albert André arrive à Paris à 20 ans en 1889. Il s’inscrit immédiatement à l’académie Jullian, école de liberté, il croise Maurice Denis, Jean-Edouard Vuillard, Louis Valtat, Pierre Bonnard, Georges d’Espagnat, il rencontre Albert Marquet, Paul Signac… La remarquable première section de l’exposition, consacrée à ces années de jeunesse, montre de façon impressionnante la façon dont l’artiste épouse l’art de l’époque.
Albert André peint sur le motif, se sent proche des Nabis sans jamais intégrer le groupe. Nourri par la découverte des estampes japonaises, il revendique le fait que « la peinture doit faire partie du décor de la maison », insiste Béatrice Roche, conservatrice des musées du Gard et commissaire de l’exposition. Dans cette veine, il peint La femme en bleu en 1895 : format kakémono, vue plongeante, couleurs franches, formes délimitées, peu de profondeur. Les leçons du japonisme sont manifestes. À la même époque, il peint une sublime Femme au paon, prêtée par la famille Durand-Ruel et jamais montrée au public depuis 30 ans. Avec des références au symbolisme, à Gauguin, Albert André affirme son goût pour le décoratif avec une virtuosité renversante.
Au cœur de cette période post-impressionniste, notion assez floue dans l’histoire de l’art, Albert André se situe dans cette lignée tout en observant les artistes qui prennent des chemins singuliers. Dans ces années parisiennes, le peintre montre une grande liberté, tant dans sa technique que dans le choix des sujets, comme le montre son Musicien des rues ou ses danseuses aux tenues légères capturées dans l’intimité.
Exposé au salon des indépendants de 1894, il séduit Auguste Renoir qui conseille à son marchand Durand-Ruel de s’occuper du jeune homme, ce qu'il fait. Rapidement, Albert André rencontre Renoir et se noue immédiatement une amitié qui ne se rompra qu’avec la mort de l’aîné en 1919.
À la même époque, il rencontre Marguerite Cornillac, alias Maleck, elle aussi peintre, formée à Lyon dans l’atelier de Puvis de Chavannes, qui abandonne la peinture en se mariant pour se consacrer à la création de décors de théâtre.
Au début du XXe siècle, Albert André fait le « choix de la vérité ». Il prend du recul sur le motif, développe les perspectives, nuance ses couleurs, mais conserve une grande fraîcheur, une liberté certaine comme dans ces Laveuses au bord de la Tave, de 1912, où il laisse de nombreuses parties de la toile en réserve, jusqu’au milieu du tableau, profitant d’un creux dans la composition pour signer sa toile.
C’est l’époque où Albert André et Renoir sont inséparables, le jeune peintre signe notamment la seule monographie publiée sur Renoir du vivant de l’artiste. Au cœur de l’exposition, une salle reconstitue cette amitié de façon particulièrement émouvante. Quand l’impressionniste meurt, Albert André est son exécuteur testamentaire. Il est notamment chargé de l’inventaire de l’atelier parisien. Ses fils lui disent de se servir, il prend deux chevalets, une table à peindre, une palette et le bilboquet avec lequel Renoir travaillait à rééduquer ses mains dévorées par la polyarthrite. Ces souvenirs sont accompagnés des nombreux portraits de Renoir par Albert André, des photos des parties de campagne à Laudun-L’Ardoise et des œuvres de Renoir offertes à son ami, un portrait au fusain de Marguerite Cornillac, une vue de Laudun, une sublime Dédé au chapeau… En 1932, quand Albert André fait son autoportrait, il pose dans le décor un portrait de son aîné, en signe de filiation et d’amitié dépassant la mort.
L’exposition s’achève par la maturité de l’artiste, à partir des années 30, où il séjourne de façon prolongée dans la maison de Laudun-L’Ardoise, dans le Gard rhodanien. Il s’y installe pendant la Seconde Guerre mondiale, puis y vit ensuite plusieurs mois de l’année. Il continue à peindre des bouquets, les jardins, les paysages alentour toujours avec un traitement léger de la touche et un goût pour les lumières qui viennent parsemer les compositions.
« Le temps ne passe pas, il y a la même fraîcheur que dans les tableaux de jeunesse », sourit Béatrice Roche. Les derniers nus, notamment un à contre-jour, montrent cette soif de peindre jusqu’au dernier moment. Surtout, dans ces années-là, il peint Jacqueline Brétégnier, alias Jacqueline Bret-André, qui entre dans la vie du peintre en 1924, commençant à travailler dans l’atelier de Maleck où elle reste jusqu’en 1939.
Dès 1925, Jacqueline s’installe avec le couple qui l’adopte officiellement en 1946. Elle aussi peintre dans une veine post-impressionniste, elle lui succède à la conservation du musée de Bagnols-sur-Cèze. Albert André la peint sans cesse, assise au salon, entrain de lire, de coudre, de peindre, de jouer de la guitare dans des toiles intimes et pleines de bonheur.
Jusqu'au 29 mars 2020. Lundi au samedi, 10 h-17 h. Archives départementales, 365 rue du Forez, Nîmes. Entrée libre. 04 66 05 05 10.
Albert André, conservateur et fondateur du musée de Bagnols-sur-Cèze
Parallèlement à l'exposition rétrospective à Nîmes, le musée Albert André à Bagnols-sur-Cèze présente "1869-1954 rétrospective 150 ans - Albert André conservateur et fondateur d'un musée d'art moderne d'exception." L'exposition dossier évoque le parcours de son emblématique conservateur, créateur du premier musée d'art contemporain en Province, avant Grenoble et Saint-Tropez. L'histoire est cocasse. En 1917, Albert André devient conservateur d'un musée encyclopédiste et universel fondé par Léon Alègre, dans l'esprit des cabinets de curiosités. En 1924, les pompiers font la fête au rez-de-chaussée. Dans la nuit, ils mettent le feu au bâtiment et les collections partent en fumée. Albert André se retrouve à la tête d'un musée vide. Grâce à Renoir et à Durand-Ruel, il est en contact avec toute la scène artistique de l'époque et demande aux artistes d'offrir des oeuvres.
Ainsi naît un musée de l'amitié aux oeuvres remarquables, enrichi ensuite par les donations de sa fille adoptive Jacqueline Bret-André et son mari George Besson, critique pour Les Lettres Françaises et L'Humanité.
Ainsi sont rassemblés une impressionnante série d'oeuvres, exposées dans un musée méconnu et la plupart du temps désert. A découvrir des oeuvres d'Albert André bien sûr et de son ami Renoir, mais aussi une implorante Camille Claudel, un plâtre original de la Danaïde de Rodin, des toiles de Maurice Denis, Pierre Bonnard, Albert Marquet, Henri Matisse, Claude Monet, Berthe Morisot, Pablo Picasso, Paul Signac, Suzanne Valadon, Félix Vallotton ou Kees van Dongen...
Depuis des années, un projet de création de nouveau musée est en cours pour mettre en valeur cette collection remarquable. Verra-t-il le jour ?
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