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Aigues-Mortes : Brise du rouge soleil, carte blanche poétique à Joël Andrianomearisoa

La tour de Constance et les remparts d'Aigues-Mortes accueillent une remarquable exposition de l'artiste malgache Joël Andrianomearisoa. Un beau dialogue entre patrimoine et art contemporain.

Installer de l’art contemporain dans des lieux patrimoniaux, demande une profonde connaissance des monuments, une réflexion sur son histoire... Avec "Brise du rouge soleil", le geste Joël Andrianomearisoa pour les remparts d’Aigues-Mortes témoigne une longue imprégnation. L’artiste, qui a représenté Madagascar à la dernière Biennale de Venise, a eu carte blanche. Plutôt que de présenter quelques œuvres, il a choisi d’investir l’ensemble des remparts et la tour de Constance, pour une exposition au long cours, qui se découvre au fil d’une parcours de plus de 1 600 mètres. Mais chaque œuvre, chaque intervention entre en résonance avec l’architecture, avec l’histoire des lieux, des croisades à l’emprisonnement des huguenots, ou avec les paysages de la Petite Camargue environnante.

Joël Andrianomearisoa fait partie des artistes présentés actuellement au Moco à Montpellier dans le cadre de "Cosmogonies", consacrée à la collection de la fondation Zinsou. Il a une formation d’architecte, cela se ressent dans son vocabulaire plastique, notamment ses constructions en tubes métalliques. Le noir revient sans cesse, donnant à l’ensemble quelque chose de romantique, même si le plasticien s’en défend.

Le voyage commence par une installation où l’artiste pose un néon avec les mots Mon loin sur une structure sombre. Qu’est-ce que le lointain ? Qu’était-il à l’époque de saint Louis qui construisit cette cité pour partir en croisade ? Que représente-t-il pour un artiste venant des antipodes ? Le lointain, c’est aussi pour la plupart de l’humanité, Aigues-Mortes...

Le voyage peut commencer... Dans le parcours, Joël Andrianomearisoa accroche quelques vers du poète malgache Maurice Ramarozaka, de courts textes invitant à la méditation et à l'émerveillement au fil de la visite.

Mais la présentation qu’il fait de son travail est aussi un poème :

Brise du rouge soleil, une rencontre et des retrouvailles.

Des séparations et une absence ?

L’histoire et des histoires.

Fabulation et vérité.

Des légendes et des récits.

Des mythes et des contes.

Mais le plus important les songes.

C’est une énigme, un rébus, une chasse au trésor qui se déploie d’espace en espace, de tour en tour et nous entraîne dans un voyage sensoriel le long des remparts de la cité fortifiée d’Aigues-Mortes.

Et c’est ainsi qu’une brise rouge souffle sur nos cœurs.

La brise rouge, c’est aussi celle qui souffle à la surface des marais salants qui ceinturent Aigues-Mortes. Joël Andrianomearisoa s’est inspiré de ces paysages. Il a travaillé la sagne par exemple, surpris par la survie de cet artisanat ancestral. Avec les rouleaux, dont il a gardé les plumets, il évoque la multitude. L’artiste aime les matériaux modestes, le papier, le tissus. Dans Le Labyrinthe de nos passions, il joue avec les ombres, les lumières et les reflets sur de fragiles papiers noirs. Avec Les Nouvelles Cartographies du désir, il trace de nouveaux horizons en assemblant de petites bandelettes de tissus.

A Madagascar, il a ouvert une école d’art, Joël Andrianomearisoa s’est aussi investi dans la transformation des déchets plastiques, permettant la création d’un nouveau matériau recyclé, le polyfloss, étrange matière ressemblant à du papier mâché qui donne naissance à des tableaux ou à des sculptures.

Avec l’œuvre qui donne son titre à l’exposition, il présente des soleils rouges, brûlants de désir et de passion, oeuvres à la fois éblouissante et pleine de délicatesse et de raffinement.

Avec un sens de l’espace remarquable, l’artiste qui vit entre Tananarive, Paris et la Creuse s’immisce dans l’intimité du monument, reste fidèle à sa démarche tout en dialoguant avec les grandes heures d’Aigues-Mortes ou les rêves que provoquent ces fortifications. Ainsi, à la manière d’un enfant qui s’amuse, il ajoute une tour aux remparts. C’est La Maison Imaginaire, énorme structure en métal, qui se joue de la géométrie pour créer de nouveaux horizons. Comme un signal, l'oeuvre est visible depuis l'extérieur des remparts, semblant flotter de manière étrange sur la pierre.

Mais modestement, il peut aussi évoquer la mémoire des protestantes qui furent enfermées pendant des décennies à la tour de Constance, refusant d’abjurer, essayant d’améliorer l’ordinaire de la captivité avec quelques travaux d’aiguille. Avec l’installation Résistance, il installe dans le donjon de hautes cages métalliques où pendent 16 draps, 16 silhouettes, 16 fantômes comme les 16 dernières prisonnières qui survécurent ici des décennies, dans le froid, l’humidité et l’intolérance.

Prolongée jusqu'au 17 octobre 2021. Tous les jours, 10 h-19 h. Tour et remparts, Aigues-Mortes. 8 €, gratuit - 26 ans. 04 66 53 61 55.


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