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Aix-en-Provence : Yves Klein, l'intimité derrière le mythologie

L'hôtel de Caumont d'Aix-en-Provence présente "Yves Klein, intime". L'exposition permet de découvrir l'artiste qui a fait de sa vie et de son oeuvre une histoire mythologique.

Combien de temps reste-t-on un artiste contemporain ? Yves Klein est resté éternellement jeune, il est mort à 34 ans en 1962 et il est toujours contemporain. Un classique contemporain. L'exposition que lui consacre l'hôtel de Caumont à Aix-en-Provence est exemplaire dans son accrochage, permettant à la fois de traverser la carrière de l'artiste, connu pour ses monochromes bleus, mais aussi de comprendre l'homme qui n'établissait pas de réelle frontière entre l'art et la vie, entre son art et sa vie.


Grâce aux Archives Yves Klein, l'exposition dévoile le versant intime de cette comète de l'histoire de l'art, qui par son œuvre fondatrice a dynamité bien des codes. L'exposition s'est d'ailleurs nourrie des témoignages, reproduits dans le catalogue, de Rotraut Klein-Moquay, sa veuve, d'Elena Palumbo-Mosca, modèle et collaboratrice, de Gérard Zlotykamien, son élève judoka également artiste. Ce parti pris est visible aussi avec le rouleau qu'utilisait Yves Klein pour peindre, en s'éloignant de tout geste romantique ou avec les tableaux réalisés par ses parents. L'artiste a grandi dans un milieu artistique, au milieu du clivage qui traversait l'art français des années 50, sa mère Marie Raymond était connue pour ses tableaux abstraits, son père Fred Klein était plus adepte d'une figuration symbolique. A leurs côtés, il a connu Georges Fred Klein, les Delaunay ou Nicolas de Staël.

Dès la première salle, une Pluie bleue impressionne la rétine par sa puissance chromatique, près d'un portrait facétieux de l'artiste. Des tiges bleues flottent dans l'air au-dessus d'un sol couvert de pigment pur. Le mot installation n'était pas encore utilisé en 1957. Est-ce de la peinture, est-ce de la sculpture ? D'emblée, Yves Klein échappe aux catégories. Son premier monochrome orange est d'ailleurs refusé au salon des Réalités nouvelles, car il n'est pas considéré comme une œuvre abstraite. Pas de jeux avec les couleurs, avec les lignes ou les volumes... Inclassable ! Il reste pourtant une petite signature dans un coin.


Rapidement, Yves Klein va encore radicaliser sa méthode avec l'invention du bleu IKB (International Klein Blue) dont il fait breveter le liant et qui lui permet de couvrir ses toiles de pigment pur, invitant le regard à plonger dans une profondeur inédite. C'est moins connu, mais le répertoire d'Yves Klein est composé de deux autres couleurs, le rose et l'or. À nouveau se pose la question des qualificatifs. Plutôt que de parler de peintures, le critique d'art Pierre Restany propose le terme de « propositions monochromes. »

Ces propositions peuvent se décline de différentes manières, avec des éponges colorées, des outils qui fascinent Yves Klein par leurs capacités d'imprégnation, un terme qui revient sans cesse dans son travail. Cela prend aussi la forme des Anthropométrie", où il dirige des femmes aux corps enduits de pigments pour des performances chorégraphiées et picturales. L'exposition permet de redécouvrir le rôle des modèles, qui n'étaient pas de simples pinceaux. Selon Cécilia Braschi, commissaire, « avec une grande maîtrise du corps, elles intègrent, comprennent et mettent en œuvre de manière consciente » ce que demande Yves Klein.




Ce versant intime, c'est aussi les histoires d'amitié. Les Nouveaux Réalistes ne forment pas un groupe homogène, mais sont liés par des affinités personnelles. La salle qui est consacrée à cette aventure est l'une des plus émouvantes de l'exposition. Jamais vu en Europe, un long cadavre exquis de 14 mètres de long réunit Yves Klein, Arman, Pierre Restany et Claude Pascal. Le bleu IKB apparaît dans les portraits-robots de Klein et de son épouse par Arman, dont les noces sont peintes par Christo. Il tourne aussi sur une Excavatrice de l'espace de Tinguely ou couvre le visage de Martial Raysse.



Rien n'arrête Yves Klein qui se présente sautant dans le vide ou se lance à la fin de sa courte vie dans des tableaux de feu. Toujours avec le même sens du spectacle, une vidéo le montre avec un lance-flamme et un assistant habillé en pompier au centre d'essai de Gaz de France. Cette maîtrise du feu relève de la magie, de l'immatériel et illustre aussi la dimension spirituelle de l'œuvre d'Yves Klein. Trois monochromes, un bleu, un rose, un doré, apparaissent d'ailleurs comme des icônes, en regard d'un ex-voto déposé de façon privée par l'artiste au monastère de Sainte-Rita à Cascia.




Jusqu'au 26 mars. Tous les jours, 10 h-18 h. Hôtel de Caumont, 3 rue Joseph-Cabassol, Aix-en-Provence. 14,50 €, réduit 11,50 €, - 25 ans 10 €, gratuit - 7 ans. 04 42 20 70 01.

 

Un catalogue plein de témoignages

L'exposition s'accompagne d'un catalogue passionnant. En plus des reproductions des oeuvres exposées, de la biographie et du texte de la commissaire, le livre permet de s'approcher d'Yves Klein avec une série d'interviews des témoins de cette carrière en forme de météorite.

A découvrir notamment, des rencontres avec Rotraut Klein-Moquay, sa veuve qui apparaît dans l'exposition, sa modèle et collaboratrice Elena Palumbo-Mosca ainsi que Gérard Zlotykamien, artiste avec lequel il a partagé la passion du judo.

Comme l'exposition, le parcours en forme de récit permet d'explorer sa vision de l'art, en lien avec ses aspirations spirituelles et ses relations avec la création de son époque.

"Yves Klein, intime". Editions In Fine, 192 pages. 35 €.


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