Amina Richard : "La quête d'identité n'est jamais finie"
Avec "Dans un pays lointain", Amina Richard publie un premier livre sensible, une quête des origines entre l'Europe et l'Afrique.
Comment avez-vous imaginé l'histoire de cette petite fille, Ndiolé ?
C'est inspiré de ma propre histoire, mais j'avais envie de la raconter non pas seulement pour elle-même mais en tant qu'elle est universelle. On a tous nos différences à porter, notre croix familiale... Je voulais écrire un texte et j'avais un matériau connu sous la main, je suis partie de ça.
Vous êtes retournée comme elle au Sénégal, à la recherche de votre père...
Oui, j'y suis allée plusieurs fois, j'avais moi-même un père un peu distant. Je voulais en faire une création littéraire. Pour cela, j'ai mobilisé l'univers du conte ou de la littérature enfantine. Cela permettait de symboliser les étapes de sa quête, puisque c'est une quête de père d'abord, puis une quête de soi à la fin comme toutes les quêtes.
Finalement, elle arrive à prendre de la distance avec son histoire en allant au bout de ce qu'il y a à vivre...
On va, c'est évident, d'une colère à une forme d'apaisement. A la fin d'une quête, on gagne quelque chose !
Pour vous, l'écriture de ce livre est la fin d'une quête ?
La quête d'identité n'est jamais finie. D'ailleurs, il n'y a pas de point à la fin... C'est la fin de ce livre-là et les autres auront bien d'autres sujets à traiter.
L'héroïne se construit dans le regard des autres...
J'ai voulu montrer la violence que cela représente d'être toujours ramenée à une couleur de peau, surtout quand on n'a aucun repère par rapport à ça, elle ne connaît pas son père, elle ne connaît pas de noirs. On la renvoie à quelque chose qui n'existe pas et qui est très dévalorisé. C'est pour cela que le ton est assez sarcastique. Cette petite fille est face à une violence sociale et se construit avec cela, sans repère positif.
C'est quelque chose que vous avez ressenti vous aussi dans votre construction ?
Oui et non. J'étais dans un milieu social assez privilégié. Certains cumulent en plus une disgrâce sociale en étant élevés dans des endroits difficiles. Mais la France des années 70 était encore pire au niveau du racisme que la France d'aujourd'hui... J'ai été élevée en portant cette différence.
La relation avec la famille de sa mère est très dure...
Elle est abordée avec difficulté dans chacune des deux familles. Les mariages mixtes à l'époque étaient rarissimes. Je pense que finalement il y a eu pas mal d'enfant dans ce cas, avec des étudiants noirs qui sont venus faire des études en France et pour lesquels ensuite, il était difficile de porter des familles mixtes. Beaucoup d'enfants sont restés avec leurs mères et ont été coupés de leurs racines africaines.
Votre héroïne se détache de ses racines africaines. Pour vous, elles sont importantes aujourd'hui ?
Je les ai découvertes sur le tard. Je suis totalement européenne, française. La question est plus : comment assimiler sa couleur de peau ? Malgré tout, elle renvoie à une origine africaine.
Quand elle retourne en Afrique, c'est à la fois très cruel avec son père et très beau ce qui se passe avec le reste de la famille. Finalement, elle ne va pas trouver l'Afrique là où elle part la chercher...
Je voulais une ambivalence. En Afrique, elle est complètement paumée, elle ne connaît pas les codes sociaux. Elle arrive avec des images d'Epinal, elle découvre une ville polluée, des cadres supérieurs... Mais elle a de très beaux moments avec la famille, les frères et soeurs et même avec le paysage. Elle a une forme de communion avec ce pays, qui est rejetant. Elle n'y a pas sa place, tout le monde voit bien qu'elle est française. Je voulais marquer ces deux côtés. Il y a les deux familles et puis avec le Sénégal, il y a une espèce d'amour et de rejet.
Comment définiriez-vous ce rejet ?
C'est le fait de ne pas se sentir accueillie et reconnue, comme c'était déjà le cas en France. Elle se retrouve dans la même situation inversée.
C'est inévitable ?
C'est le propre de tous les métisses de se retrouver dans cette situation. Certains ont la chance de se sentir chez eux dans les deux pays, d'autres se sentent pas vraiment acceptés dans aucun des deux.
Dans votre style, il y a quelque chose d'assez lyrique, foisonnant...
J'ai essayé d'être au plus près des ressentis, du regard de la narratrice, dans sa respiration. C'est la raison pour laquelle les paragraphes s'enchaînent sans points. Il y a aussi des passages plus poétiques. Dans l'interrogation sur l'identité, elle va au-delà d'être noir ou blanc, c'est une interrogation que peut avoir chaque être humain sur sa propre origine. Il y a des passages de communion avec la nature où elle trouve une forme d'humanité au-delà de l'identité.
Pourquoi cette absence de points à la fin des paragraphes ?
On est dans une réminiscence. Il y a des souvenirs d'enfance. Je voulais qu'on soit dans un flux de pensée continu, totalement dans ce regard, pour ressentir ce que la petite fille puis l'adulte ressent.
J'ai essayé d'être très près des sentiments. Mais on est aussi dans l'analyse, elle est très lucide, elle comprend très bien ce qui se passe avec le père. Ce qu'elle ne connaît pas, elle le pressent ou le devine. Elle va avoir des alliées. Tout ça, elle l'analyse très bien. Même si elle n'a pas tous les codes, humainement, elle sait ce qui se passe. Je voulais qu'on soit dans l'analyse et le ressenti en même temps, d'où la deuxième personne du singulier au début qui permet cette prise de distance et d'être à hauteur du regard.
Cette dualité, elle s'incarne aussi dans le double prénom ?
Sauf qu'il n'est pas vraiment double, puisqu'on ne saura jamais vraiment comment elle s'appelle ! Il n'y a que des noms africains dans tout le livre. Elle s'incarne dans le double prénom, dans la double couleur, dans le fait qu'on est un adulte et un enfant. La dualité, c'est le sujet : comment rassembler les bouts d'identité ?
A l'issue de ce livre, elle se libère de ce questionnement ?
Pour moi, elle a une forme d'apaisement. Elle a réintégré la partie noire qui lui avait toujours été refusée, même par son père. Une part d'énigme est résolue...
Elle arrive à vivre avec ça en tout cas.
Oui, cela ne l'empêche plus de dormir. Il n'y a plus la souffrance qu'on sent au début.
"Dans un pays lointain", d'Amina Richard. Editions Stock, 234 pages. 19,50 €.
C'est le propre de tous les métisses de se retrouver dans cette situation. Certains ont la chance de se sentir chez eux dans les deux pays, d'autres ne se sentent vraiment acceptés dans aucun des deux. ux. x. . . venus faire des études en France et pour lesquels ensuite, il était difficile de porter des familles mixtes. Beaucoup d'enfants sont restés avec leurs mères et ont été coupés de leurs racines africaines. cela, sans repère positif. positif. positif. ositif. sitif. itif. tif. if. f. .
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