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André Velter, Ernest Pignon-Ernest et le mystère José Tomás

Le poète André Velter et le plasticien Ernest Pignon-Ernest se retrouvent autour de la tauromachie de José Tomás avec "Sur un nuage de terre ferme" chez Actes Sud.

Pour décrire la mystère de la tauromachie de José Tomás, on ne peut utiliser que des oxymores... Cela rappelle l'histoire d'un autre héros espagnol, le plus célèbre, le plus fou. « Don Quichotte, avec ce sens majuscule de l’impossible qui n’appartient qu’à son génie visionnaire, affectionnait les îles de terre ferme. Qui aurait pu parier que cet oxymore géographique trouverait son répondant, par-delà les siècles, dans les arènes où José Tomás apparaît pour de rarissimes rendez-vous ? Car là où il fait escale, il torée exactement et sans la moindre emphase sur un nuage de terre ferme. »


Après la corrida historique de José Tomás en 2012 à Nîmes, le poète André Velter et le peintre Ernest Pignon-Ernest avaient déjà publié Tao du torero. Tous deux pensaient que l’expérience était unique ; qu'elle resterait unique. Et puis, après une corrida de José Tomás, le 22 juin 2019, dans les arènes de Grenade, les artistes ont assisté à nouveau à un miracle, qu’il essayent de saisir et de partager avec Sur un nuage de terre ferme, un beau livre, subliment édité où se mélangent la poésie, quelques citations et des dessins.

D’un trait vif, Ernest Pignon-Ernest montre la grâce impassible du matador « avec juste assez de corps » pour affronter le toro. Le peintre qui sait ce qu'est l'extase, parvient de façon étonnante à saisir à la fois l'immobilité et le mouvement, la grâce de la silhouette du matador et la masse violente de la bête noir, cette rencontre entre la verticale et la courbe, entre la ligne droite comme un I et l'arabesque qui l'enveloppe de ses cornes.


Les mots justes d’André Velter donnent à imaginer ce sortilège :

José Tomás et son silence,

Farouche énigme

Qui n’est ni à forcer ni à négocier

Mais à tenir irradiante, inaccessible.


José Tomás et son refus,

Fierté savante et sage

Qui lui pose un papillon sur l'épaule

Quand l'ange du duende pressent qu'il est de trop.


José Tomás et sa sincérité,

Grâce irrévocable

Qui va tellement d'elle-même

Que c'est de l'insondable au grand jour.


Outre Cervantès, les artistes convoquent aussi Rimbaud ou Glenn Gould, la folie et la liberté, la recherche d'absolu et de perfection. Avec ses vers libres, l'écrivain évite toute anecdote, vise droit entre les cornes, pour dire ce qu'est le toreo, la pureté du geste, le calme face à la tempête, le temps qui s'arrête, le corps qui s'efface, tout ce qui ne s'explique pas mais se ressent tellement fort, comme (encore un oxymore !) une explosion silencieuse :

Le toreo qui le transfigure

Est d'obscure harmonie,

Il fouille une blessure

Sans recours ni oubli.


Le toreo qui le dépossède

Est de rude félicité,

Il requiert que rien ne cède

A l'apparente sérénité.


Le toreo qui le porte

Est celui qui l'abandonne,

En vérité sans escorte

Dans l'inconnu qu'il affectionne.


"Sur un nuage de terre ferme. José Tomás le 22 juin 2019", André Velter et Ernest Pignon-Ernest. Editions Actes Sud, 80 pages. 26 €.


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