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Arles : Jean-Pierre Formica et "l'émergence du visible"

Le plasticien Jean-Pierre Formica expose à la chapelle du Méjan, à Arles, parallèlement à la publication d'une monographie chez Actes Sud.

Double consécration ! Les éditions Actes Sud viennent de faire paraître une monumentale monographie consacrée à l’œuvre de l’artiste nîmois Jean-Pierre Formica. Et le plasticien s’installe tout l’été à la chapelle du Méjan, à Arles où il vit désormais, pour une ample exposition parcourant sa carrière jusqu’aux derniers papiers scarifiés.

Le plasticien a travaillé dans plusieurs dimensions, il a navigué entre abstraction et figuration, il a touché à la peinture, à la sculpture, à la céramique. Mais, de ses statues de sel aux grands papiers colorés dont il fait émerger à coups de griffure des paysages, il s’agit toujours de la même question qui le taraude, ce que l’historien de l’art Olivier Kaeppelin résume par une belle formule : « l’émergence du visible ».

Le réel est là, il est riche d’une longue histoire, nourri par les grandes mythologies, par les rencontres et les petits souvenirs. Mais pour qu’il apparaisse, qu'il prenne forme, qu’il remonte à la surface, il faut le regard d’un artiste. Jean-Pierre Formica est de ceux pour qui la brutalité du présent nécessite un pas de côté, un geste artistique permettant de l’affronter, de survivre. Cela lui permet de distinguer « la forme et l’informe » et de le mettre en scène dans un théâtre intime et universel.

Il y a un demi-siècle Jean-Pierre Formica était peintre. Sans doute, était-il déjà artiste. Mais il était aussi un ouvrier, peintre en bâtiment. Avant de couvrir les murs, il les graffitait seul face au mur et face à lui-même, puis tout disparaissait. Ces superpositions, ces effacements sont toujours au cœur de son travail. Au rez-de-chaussée de la chapelle du Méjan, dans les alcôves, il mélange des allusions à la nature, couvrant les murs de noir et de couleurs, où surgissent des formes vivantes, construisant un paysage imaginaire. Vanité des vanités… La disparition guette, la mousse commence déjà à pousser sur les mannequins de bois, le devenir minéral est déjà à l’œuvre…

Par un jeu subtil entre légèreté et pesanteur, avec des céramiques posées au sol ou prêtes à s’envoler, Jean-Pierre Formica guide le visiteur de la nature vers la culture, de la terre vers une humanité fragile et brillante comme les statues qu’il a fait naître dans les salins d’Aigues-Mortes. Pendant plusieurs années, c'était son jardin et il a fait du temps, de l’eau, du vent et du sel des alliés. Comme les armées de terre chinoise, chaque silhouette est différente. Ensevelies dans l’eau saumâtre, elles sortaient métamorphosées, étincelantes mais prêtes à s’effacer, à s’évanouir dans le réel.

L’exposition s’achève autour d’une vaste barque, assemblée grâce aux poutres de son nouvel atelier, chargée de céramiques et d’allusions à la Méditerranée, celle d’Homère et celle des migrants qui la traversent aujourd'hui. « Mon archéologie contemporaine », dit-il. Aux murs, il dévoile ses dernières séries. Il accumule les couches de papiers, peints de façon monochromes, qu’il vient attaquer à la lame. Avec ces arrachements, il fait surgir des images, des tournesols, des paysages de Camargue, mais aussi des vues de ville, des cartes du monde. Il fouille la peinture, il creuse dans la couleur, il la blesse, mais il lui permet d’exprimer toute sa puissance, sa vie, destinée pourtant à disparaître comme le sel qui couvrait ses gisants et que le souffle et l’humidité ont emporté.

Jusqu’au 15 août. Du mercredi au dimanche, 13 h 30- 17 h 30. À partir du 4 juillet, tous les jours, 10 h-19 h 30.

Chapelle du Méjan, place Massillon, Arles. Entrée libre. 04 90 49 56 78.

Parallèlement, Jean-Pierre Formica expose des oeuvres récentes jusqu'au 31 juillet, galerie Pierre-Alain Challier, 8 rue Debelleyme, Paris. 01 49 96 63 00.

 

Une monographie chez Actes Sud

« Une peinture, chez Jean-Pierre Formica, n’est jamais un programme mais un acte qui se vit comme une séquence où l’artiste initie une scène qu’il créé en puisant, dans ses vies, ses vies de peintre, sans savoir où ces chemins le mènent. Il se veut le journalier de ce mouvement qui l’entraine comme le courant de sa pensée. Il cherche l’esprit des formes », écrit l'historien de l'art Olivier Kaeppelin. Avec un beau volume, la monumentale monographie consacrée à Jean-Pierre Formica.


Né en 1946 à Uchaud, près de Nîmes, l'artiste est nourri par les cultures méditerranéennes. Travaillant entre Paris et Arles, en Camargue, il a construit une oeuvre autour de la trace et de la mémoire, de l'apparition et de l'effacement, de la sédimentation et de l'effacement. Dans un corps à corps avec la matière, il fait émerger, comme un archéologue de lui-même, un monde sensible peuplé d'éclats colorés, de bribes d'histoires personnelles et universelles, de fragments voués à la disparition et à la renaissance.


Formica, textes d'Olivier Kaeppelin et Aymeric Mantoux. Editions Actes Sud, 256 pages. 69 €.


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