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Clémentine Mélois : le poids des mots, le choc des romans-photos

L'artiste détourne des romans-photos brésiliens des années 70 dans "Les Six fonctions du langage".


Clémentine Mélois est devenue une experte dans l’art du détournement. Enseignante à l’école supérieure de Beaux-arts de Nîmes, elle vient de publier un nouvel objet artistique toujours aussi décalé, à la fois hilarant et érudit. Dans Les Six fonctions du langage, la plasticienne, membre de l’Oulipo, la manufacture artistique ouverte par Raymond Queneau, s’empare de vieux romans-photos brésiliens des années 70.


En changeant les textes, elle livre des récits délirants tous réunis par un questionnement autour du langage. Dès la première histoire qui donne son titre au livre, un jeune homme explique les travaux du linguiste Roman Jakobson à une jolie femme qui fond de désir dès qu’elle entend des mots compliqués, mais attention un seul mot et tout peut déraper… Voici des drames, des romances, des enquêtes, des bastons. Le catcheur El Magnifico qui refuse un dessert au restaurant, une femme qui devient folle de mélancolie devant la maltraitance de la langue, un peintre qui présente une croûte en citant Nietszche… C’est surréaliste, absurde, farfelu, plein de charme, de poésie, de fantaisie, follement inattendu et toujours réjouissant. En quatrième de couverture, le livre promet « des mots, de l'action, de la lascivité, du suspense. Tellement réaliste qu'on peut presque toucher les larmes. » Effectivement tout y est ! Malgré cette critique définitive envoyée de l'au-delà par Ludwig Wittgenstein : « Un livre inutile qui n'a pas sa place dans nos bibliothèques. »


Les images sont pleines de clichés et d’archétypes, de couleurs vives et d’incohérences. Les hommes sont moustachus, ont les cheveux mi-longs, des pattes d’éléphants et des chemises ouvertes, les femmes ont des regards langoureux et sont souvent assez potiches.

Les situations prennent un tout autre sens grâce à Clémentine Mélois qui s’amuse des tics de langage ou des jargons qui polluent le quotidien, des loufoqueries permises par le maniement des mots, des glissements lexicaux qui peuvent transformer les événements, des dérives qui se veulent modernes, des chocs entre les registres de vocabulaires. Qu’en aurait pensé le sémiologue Roland Barthes ? Il apparaît ici pour parler signe, signifiant et signifié. Chauve, moustachu, un peu lourdaud, il ressemble plus à Michel Blanc dans Les Bronzés qu’à un professeur au Collège de France…


Les Six fonctions du langage, de Clémentine Mélois. Éditions Seuil, 112 pages. 14,90 €.


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