Joël Alessandra dessine la force des femmes africaines
L’auteur de bande dessinée Joël Alessandra présente “La Force des femmes”, un album consacrée aux femmes rencontrées en Afrique au fil des années.
Dès sa première expérience africaine, le dessinateur de bande dessinée Joël Alessandra a été confronté à la dure réalité de la situation de la femme. Coopérant à Djibouti pour éviter le service militaire, il est « submergé par l’exotisme » et rencontre la séduisante somali Kadidja. Mais au moment crucial, il se rend compte qu’elle est excisée et cousue… « Je n’étais pas préparé. À l’époque, j'en avais à peine entendu parler et j’avais un contact direct avec l’affreuse réalité », explique Joël Alessandra, qui partage avec La Force des femmes une série de rencontres avec les Africaines.
« C’est une sélection d’histoires depuis 30 ans que je fais des allers-retours. Je parle de sujets graves, importants qui me tiennent à cœur. Ce sont des situations compliquées, difficiles, émouvantes, des tranches de vie », sur lesquelles l’auteur s’abstient de jugement, évite les postures. « Je présente des faits pour que le lecteur se mette à réfléchir », explique l’auteur. « Je suis engagé à mon niveau, je ne suis pas médecin, ni infirmier. Mais avec le dessin, je peux amener les enfants à oublier leurs conditions, surtout dans les camps », explique le dessinateur qui rentre du Kivu, en République Démocratique du Congo. Au cœur du livre, Joël Alessandra évoque une rencontre avec le docteur Mukwege, le médecin prix Nobel de la paix qui “répare les femmes” victimes de viols et de violences sexuelles. Le dessinateur a participé à un album collectif, tiré à 15 000 exemplaires, distribué aux enfants congolais pour faire connaître son combat. « Les enfants lisent, pas leurs parents. Ils peuvent transmettre le message et la BD est un super médium », explique-t-il. Dans La Force des femmes, dans les tons bruns, il évoque sa longue rencontre avec le médecin. « Pendant 1 h 30, il nous a raconté son action. C’est un monument d’humilité, de charisme. C’était un moment d’intense émotion. Il est d’une simplicité extrême. Toute sa vie est dédiée à ces femmes qu’il sauve, malgré toutes les pressions politiques ».
Une jeune fille battue parce qu’elle a osé écrire sur la paix, Nour l’Algérienne qui brave les regards masculins pour aller boire un verre en terrasse, une jeune femme assoiffée au bord d’une piste dans le désert qui attend le retour de son mari… Joël Alessandra propose « un voyage visuel et humain », mélange les carnets intimes et les grandes aquarelles, livre peu de textes, préférant « laisser libre cours à l’émotion ». Et c’est le cas, avec un album sobre et brûlant.
"La Force des femmes", de Joël Alessandra. Éditions Des ronds dans l’O, 124 pages. 22 €.
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